Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
Vom Netzwerk:
je vais continuer de te soigner, et tu vas te rétablir.
    — Je ne veux plus que tu fasses toutes ces choses, Antoine.
    — Quelles choses ?
    — Toutes ces choses sales.
    — Mon amour, il n’y a là rien de sale. Crois-tu que l’image que j’ai de toi dépende de cela ?
    — Et si tu tombais malade à cause de moi…
    — Cela n’arrivera pas. Allons, dors maintenant ! Tout ira bien. Je suis là. Je ne te quitterai pas.
    Le lendemain, quand Amélie se réveilla, elle s’aperçut que Bénédicte Laheu était à son chevet.
    — Va-t’en, va-t’en donc, tu vas attraper la fièvre !
    — Oh ! Ne vous inquiétez pas, Madame, je suis forte et je n’ai jamais rien eu du tout. Si le bon Dieu l’avait voulu, avec tous les malades que j’ai soignés, je serais déjà en paradis.
    Amélie regarda la jeune épouse de Cœur-de-Roi avec attendrissement. C’était l’une des femmes les plus douces, les plus bienveillantes qu’elle eût jamais rencontrées, non pas une sainte, mais seulement une personne désintéressée.
    — Pense à ta fille, insista-t-elle.
    — Je vous assure, Madame, elle ne risque rien.
    La jeune Vendéenne étant plus têtue qu’une mule, Amélie dut abdiquer. Le Toulousain revint à ce moment-là avec un croûton de pain rassis.
    — Dis-lui de partir, lui murmura Amélie, qui était encore couchée dans le chariot.
    — J’ai déjà essayé, mais il n’y a rien à faire.
    — Quand va-t-on enfin s’arrêter ?
    — Aux portes d’Angers ; il faut prendre la ville si nous voulons rentrer en Vendée.
    — Prendre la ville ? Avec ceux-là, dit-elle en montrant d’un léger mouvement de tête un groupe de paysans squelettiques.
    — Oui, avec ceux-là. J’irai aussi. Il le faut. Nous ne sommes pas plus de cinq mille combattants aguerris à soutenir le choc de toutes les armées républicaines.
    — Cinq mille combattants pour une horde de soixante mille fantômes… Nous sommes un poids pour vous. Vous devriez nous abandonner. Ils peuvent massacrer dix ou cent femmes, ils ne pourront pas en exterminer des dizaines de milliers.
    Antoine ne dit rien, parce que cette éventualité lui semblait en effet improbable. Qui d’ailleurs, à part un esprit dérangé, aurait pu imaginer le contraire ?
    1 - Près de deux cents mètres.

VI
    Cette fois, Angers résista. Après deux jours de siège et de sacrifices inutiles, l’armée des puants reprit son chemin de croix, remontant vers Le Mans. La bête traquée finissait par tourner sur elle-même, sans même pouvoir prendre le temps de lécher ses blessures.
    Une fois qu’il eut combattu avec succès les hussards de Marigny, Antoine ne quitta plus sa femme qu’en toute dernière extrémité. S’il le fallait, il mourrait près d’elle.
    Il sommeillait ce jour-là à ses côtés. Elle lui caressait le visage. Il ouvrit les yeux et vit que son état s’était amélioré. Son regard semblait plus clair, ses joues et ses paupières avaient retrouvé leur teinte habituelle. Amélie commençait à guérir.
    Le contraste était saisissant entre cette soudaine rémission et la situation de plus en plus déplorable de la troupe. Les soldats n’avaient même plus la force de tenir leur fusil. On rationnait les vivres que l’on donnait en priorité aux combattants. Les six mille chouans venaient de quitter l’armée. La longue colonne continuait de marcher, constamment harcelée par les cavaliers de Westermann. Antoine dut encore se battre à La Flèche. Il se jeta dans la rivière et nagea, sous les balles, avec des soldats d’élite pour réparer le pont sur le Loir que les Bleus avaient rompu. Il était torse nu, maigre comme une lame, le corps couvert de cicatrices, et pourtant insensible au froid cinglant de décembre.
    La longue nuée de fantômes ne fit que passer à La Flèche où les habitants se dépêchèrent de répandre du vinaigre pour lutter contre l’infection. Elle avançait tristement vers son destin, sous une pluie continuelle, au milieu d’une odeur douceâtre de cadavre, alors qu’à chaque instant, des femmes et des enfants tombaient sur le bord du chemin. Une fumée âcre s’échappait des tas de bois allumés par les républicains et accentuait le caractère sinistre de l’atmosphère.
    À peine rétablie, Amélie tenta de sauver ceux qui pouvaient encore l’être. Elle savait d’instinct qu’ayant guéri du mal, elle ne risquait plus rien, du moins dans ce domaine. Quant à Dupuy, il était

Weitere Kostenlose Bücher