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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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piège.
    Le médecin prit le sésame, remercia le monstre et s’éclipsa sans tarder. Il courut jusqu’à l’Entrepôt pour délivrer Amélie.
    Il lui fallut à nouveau affronter l’horreur et risquer la contagion. Il fouilla cet enfer jusqu’à ce que, dans un coin, près d’un cadavre, il aperçût une forme noire, un tas de chiffons en lambeaux d’où émergeait ce qui ressemblait encore à la chevelure hirsute d’une femme. Il l’appela comme il l’avait fait avec les autres, tombant souvent sur un silence de mort. Mais cette fois, le tas de chiffons remua légèrement en poussant un râle. Une tête s’éleva, une main décharnée et livide écarta la broussaille des cheveux qui cachait le visage.
    — Amélie, Amélie Loisel ? demanda le médecin.
    Une voix d’outre-tombe répondit.
    — Oui.
    La jeune femme semblait gravement malade.
    — Je vais vous sortir d’ici, affirma le Nantais.
    — Qui êtes-vous ?
    — Favier, l’ami d’Antoine.
    Il se produisit alors une chose miraculeuse. Ce demi-spectre à l’agonie, cet être humain, qui avait tout l’aspect d’un fantôme, donna subitement l’impression de renaître.
    — Antoine, répéta-t-elle.
    Elle n’avait plus la force de pleurer.
    Assisté de l’infirmier, Favier l’aida à se relever ; ils se dirigèrent vers la sortie. Mais plusieurs Marat leur firent barrage.
    — Elle ne bougera pas d’ici.
    — Écartez-vous ! J’ai là un billet signé de la main du citoyen représentant.
    — Il a changé d’avis.
    Favier voulut forcer le chemin, mais les Marat l’en empêchèrent.
    — Laissez-nous passer, je vous l’ordonne !
    Les sans-culottes se tournèrent alors vers un homme dont ils semblaient attendre les instructions. Le gaillard, un blondin au visage rieur, coiffé du bonnet rouge, se tenait à distance, appuyé nonchalamment contre la porte d’entrée. Pour toute réponse, il se contenta d’un hochement de tête.
    — Désolé, citoyen, on ne peut risquer la contagion dans la ville.
    — Je suis médecin et moi seul ici peux en juger.
    — Tu ne sortiras pas avec elle.
    Favier ne savait plus que faire.
    La mort dans l’âme, il déposa Amélie sur le sol.
    — Laissez-nous au moins un moment, sollicita le médecin d’une voix blanche.
    Les Marat s’écartèrent et Favier en profita pour se pencher vers Amélie.
    La jeune femme releva très faiblement la tête.
    — Pourriez-vous transmettre un message à mon mari ?
    — Bien sûr, Madame, je vous écoute.
    — Dites-lui…
    Elle eut du mal à poursuivre tant la soif lui brûlait la gorge.
    — … Dites-lui que je l’ai aimé comme l’on n’a jamais aimé personne, dites-lui encore que nous nous rejoindrons un jour et que cette pensée m’aide à affronter mon calvaire.
    — Vous n’allez pas mourir, Madame. Je retournerai voir Laennec et Carrier…
    — Vous prenez déjà trop de risques ; ils ont décidé que je mourrai et rien ne les fera changer d’avis… Seulement…
    — Seulement ?
    — J’aurais tellement voulu voir Antoine une dernière fois. Mais, c’est impossible, je le verrai par l’intermédiaire de vos yeux ; il m’écoutera par le biais de votre bouche. Dites-lui, dites-lui bien, mon ami, que je veux qu’il vive.
    — Il ne le pourra pas…
    — Ne m’ôtez pas cet ultime espoir, je vous en supplie. Pour l’amour de moi, je veux qu’il se remarie le jour où la douleur sera moins forte ; répétez-lui tout cela. C’est ainsi qu’il me fera exister moi-même encore un peu… Et maintenant, partez ; vous risquez la contagion ; nos gardiens eux-mêmes en meurent, allez…
    Amélie voulait pourtant lutter ; elle rêvait de revoir Antoine, mais savait qu’un tel espoir rendrait ses derniers instants plus difficiles encore ; elle devait s’y préparer. Elle baissa la tête et ses cheveux retombèrent sur son visage.
    Favier resta immobile quelques secondes, terrassé par l’émotion, puis sortit.
     
    Il se dirigea vers la maison de son oncle, l’esprit torturé par un affreux dilemme. Qu’allait-il dire à Antoine ? Il ne se sentait pas le courage de lui avouer l’état dans lequel se trouvait Amélie et encore moins l’acharnement dont faisaient preuve les Marat. Il n’en comprenait d’ailleurs pas la raison. Il les savait capables du pire, mais pourquoi ces canailles insistaient-elles tellement pour faire périr cette femme ? Et qui donc était ce gaillard blond à l’air faussement jovial qui

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