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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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impuissant, l’essieu qui venait de se briser en roulant dans une ornière.
    — Il y a un maréchal à Cuges, dit Neyrolles, nous y serons en moins de dix minutes, à moins que vous ne préfériez attendre dans la voiture ; il fait encore très chaud, voulez-vous que j’envoie le cocher ?
    — Non, Neyrolles, marchons un peu, cela nous fera le plus grand bien après cette sieste et ce délicieux repas.
    Et les trois hommes se dirigèrent vers le village.
    Une fois arrivés à Cuges, Neyrolles et Chantrin allèrent chercher le maréchal-ferrant, tandis que Daubier s’installait sur un banc, à l’ombre d’un grand platane. Il observait machinalement les allées et venues des villageois. Sur sa gauche, des ouvriers travaillaient dans une petite fabrique où l’on produisait de la résine, du galipot, du benjoin et quelques autres dérivés du bois de pin. Sur sa droite, une paysanne essayait de tenir un grand panier d’olives en équilibre sur sa tête. Au centre, un homme, revêtu du costume provençal, se rafraîchissait à une petite fontaine publique. Le regard de Daubier passait continuellement des uns aux autres, puis se fixa un peu plus longtemps sur l’homme qui achevait de se laver le visage et les mains. Daubier se raidit soudain. Pendant que le Provençal s’aspergeait d’eau froide, l’une de ses manches de chemise glissa légèrement et dévoila le début d’une profonde cicatrice.
    Le commissaire réfléchit très vite à ce qu’il devait faire. Il n’était pas sûr qu’il s’agît de Mercœur, mais il ne voulait courir aucun risque. Comme il était expérimenté, il conserva son sang-froid et ne laissa rien paraître. Il avait donné à ses hommes la consigne de ne jamais l’appeler commissaire lorsqu’ils étaient en mission, excepté dans l’intimité. Neyrolles et Chantrin n’étaient pas des novices, mais les plus aguerris des limiers pouvaient se montrer distraits.
    Le temps pressait car le Provençal ramassait déjà ses affaires. L’homme jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Son bonnet, dont le pompon lui retombait sur l’oreille, cachait en grande partie sa chevelure, mais Daubier avait croisé son regard. L’inconnu se méfiait-il ? Il marchait normalement et n’accélérait même pas le pas. Daubier n’avait pas le temps d’alerter ses collègues. Par chance, ses derniers venaient de trouver le maréchal-ferrant et Chantrin s’approchait déjà du commissaire pour le prévenir.
    Avant même qu’il eût le temps de parler, Daubier lui fit signe de se taire d’un geste discret. Chantrin se concentra aussitôt, tel un chien de chasse à l’affût. En coulissant les yeux, Daubier lui indiqua la présence du suspect qui s’était éloigné de la fontaine et traversait la place. Il était désormais de dos. Les policiers avaient quelques secondes pour agir sans être aperçus. Il fallait se dépêcher, car le suspect allait certainement tourner au coin de la rue.
    — C’est lui, murmura Daubier ! Fais le tour par la droite, vite, et préviens Neyrolles au passage. J’irai par la gauche. N’oublie pas qu’il doit être armé.
    Chantrin s’évapora comme un fantôme.
    Daubier se méfiait d’autant plus que l’homme avait peut-être des complices dans la place. Or la plupart des agents, que le commissaire avait emmenés avec lui l’avant-veille, n’avaient pas encore parcouru les sept lieues qui séparent Marseille de Cuges. Quant aux deux gendarmes à cheval croisés avant d’entrer au village, ils devaient déjà se trouver sur la route de Toulon.
    Flairant sans doute le danger, le suspect était retourné sur ses pas et se dirigeait vers le sud où l’attendait Neyrolles, dissimulé sous le porche d’une maison. Les deux autres policiers se précipitèrent à sa poursuite. Neyrolles l’avait déjà dans sa ligne de mire.
    — Au nom de la loi, arrêtez-vous où je tire !
    Le paysan s’arrêta sans se retourner.
    — Les mains en l’air !
    Il s’exécuta.
    Les policiers le rejoignirent aussitôt ; pendant que Neyrolles et Daubier le tenaient en respect avec leurs armes, Chantrin commença à lui lier les mains.
    — Fais donc voir ton bras ! Allons vite ! ordonna Daubier.
    L’homme resta silencieux et immobile.
    — Remonte sa manche droite ! fit le commissaire à Neyrolles.
    L’agent obéit, dévoilant la profonde cicatrice que portait le suspect.
    — Ton nom, aboya Daubier qui perdait patience.
    — Simon

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