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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières
Autoren: Laurent Dingli
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même à l’imiter avec succès devant son miroir.
    La nuit du troisième jour, il pénétra dans la chambre du couple. Il commença par égorger le comte de Saint-Amant, mais sa femme s’éveilla en sursaut et fut prise d’une indicible terreur. Elle ne parvint même pas à crier, aussi Voisard eut-il le temps de la poignarder en plein cœur. Il sonna alors la servante, qui dormait à l’étage, et courut se cacher en haut des escaliers, derrière une tenture. Quand la femme se présenta, encore ahurie par le sommeil, il lui fracassa le crâne par-derrière à l’aide d’un chandelier. Le cadavre dégringola jusqu’au milieu des marches.
    Une fois les meurtres commis, il fouilla les lieux à la recherche d’argent et de bijoux qu’il alla dissimuler avec son propre poignard sous la grosse pierre d’un sentier. Il revint dans la maison pour repérer tous les papiers dont il aurait besoin. Il déposa ensuite par terre, dans un coin de la chambre, un insigne militaire français qu’il conservait dans sa poche et qui était épinglé à un bout d’étoffe déchiré. Puis, un peu avant l’aube, il enroula le corps de Saint-Amant dans un drap, le porta jusqu’à un bois des environs où il l’enterra profondément. Il attendit que le temps fût entre chien et loup pour finir de maquiller son crime, recouvrant de vieilles souches, de pierres et de feuilles mortes la tombe improvisée de sa victime. Il l’avait fait avec tant d’habileté que l’endroit ressemblait à une terre vierge. Il courut alors se cacher dans la maison pour ne pas être surpris par un paysan du voisinage. Il retourna dans la chambre et revêtit la chemise de nuit ensanglantée de M. de Saint-Amant ; pendant qu’il s’habillait, il regardait froidement le cadavre de la comtesse dont la figure était pétrifiée de terreur.
    Il hésita quelques instants, puis se frappa le visage avec le chandelier qu’il avait utilisé pour tuer la servante. Il étouffa un cri de douleur. Sa tempe et surtout son œil lui firent atrocement mal. Il prit ensuite son pistolet tira une première fois sur le mur de la chambre qui faisait face au lit, rechargea, puis hésita une dernière fois ; il serra alors les dents et se tira un coup de feu à bout touchant sur le bras droit, à l’endroit même où se trouvait sa profonde cicatrice. Il sentit ses os se disloquer. La douleur était inouïe. Malgré sa volonté presque inhumaine, il fut sur le point de s’évanouir. Il lutta de toutes ses forces. Son bras ballait, il ne voyait plus que d’un œil et le sang lui inondait le visage.
    C’est dans cet état qu’il sortit de la maison et tituba jusqu’au grand chemin.
    — À l’aide ! Au meurtre ! Socorro  ! hurla-t-il.
    Quand il vit une première charrette, il s’affala sur ses genoux de douleur. Dans l’attelage se trouvaient un vieux paysan et un enfant de dix ou onze ans.
    — Che se passa, Señor conde ? demanda l’ancien.
    — Au secours, ils ont tué ma femme et ma servante, socorro  ! Allez chercher le corregidor Lopez et un médecin.
    — Si, Señor conde, anda Pablito !
    L’enfant sauta d’un bond de la charrette pour prévenir Lopez et le médecin, tandis que le vieillard descendait pour soigner le prétendu comte de Saint-Amant. Ils furent bientôt rejoints par plusieurs femmes du village qui donnèrent de l’eau au blessé et lui essuyèrent ses plaies. Puis les paysans le transportèrent avec précaution jusqu’à une ferme voisine. Une heure plus tard, le corregidor vint avec quelques alguazils et son médecin personnel.
    — Mon cher ami, quel drame atroce, fit le premier, que s’est-il donc passé ? J’ai emmené avec moi le docteur Sanchez.
    Bien qu’il fût à demi conscient, Voisard eut encore la force de se réjouir. Il venait de passer avec succès la première épreuve. Mêmes les proches de sa victime le prenaient pour le comte de Saint-Amant.
    Le médecin, qui venait d’examiner en grimaçant la blessure principale, celle que Voisard portait au bras, s’approcha et dit avec embarras.
    —  Mi disculpe Señor conde , mais je vais devoir vous amputer au-dessus du coude, les os sont beaucoup trop abîmés.
    — Eh bien coupez, Monsieur, fit Voisard en haletant de douleur, coupez donc !
    1 - Ce fonctionnaire, représentant du pouvoir royal, était notamment chargé des matières administratives et judiciaires au niveau local (ravitaillement, fournitures militaires, voirie, etc.).

VIII
    Les troupes
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