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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières
Autoren: Laurent Dingli
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impériales avaient dû quitter l’Espagne avant de refluer jusqu’à Toulouse. Les armées coalisées déferlaient sur la France. C’était le temps des palinodies, des traîtrises et des changements de physionomies. Deux ans plus tôt, Antoine avait appris avec effroi l’assassinat de Daubier. Pourtant, il ne s’était pas rendu en Catalogne, non par lâcheté, mais parce qu’à quarante-trois ans, il voulait encore tenter de revivre. Sa femme l’avait pourtant quitté avec ses enfants, à la fin de 1813. Ce fut donc seul qu’il vécut l’heure de la défaite.
    Il se trouvait dans son appartement du Marais quand la police royale vint l’arrêter. Il eut beau s’indigner, se débattre, on le conduisit à la Conciergerie, comme un criminel. Toutes les questions qu’il posait demeuraient sans réponse. Il ne pouvait même pas savoir le motif de son arrestation.
    Le concierge vint le chercher alors qu’il croupissait dans sa geôle. On l’emmena jusqu’au lieu où l’attendait un visiteur. Antoine s’aperçut de loin qu’il n’avait jamais vu cet homme. Celui-ci avait à peu près son âge ; il était grand, élancé et très élégant.
    — Antoine Loisel ?
    — Vous devez bien le savoir, grogna le prisonnier, puisque vous m’avez fait chercher.
    L’homme se contenta de répondre par un sourire gêné.
    — Vous êtes de la police ? reprit le peintre.
    — Non, Monsieur.
    — Alors ? fit Antoine avec impatience.
    — Je suis votre beau-frère, Louis-Marie de Morlanges.
    En entendant ce nom chéri, Antoine eut immédiatement les larmes aux yeux et fut incapable de parler.
    Son interlocuteur fit preuve d’une grande réserve. Il paraissait aimable et un peu timide.
    — Votre sœur m’a tellement parlé de vous, bredouilla Antoine d’une voix éteinte.
    — Il y a si longtemps… Je pense souvent à la dernière fois que je l’ai embrassée, c’était à Morlanges, en 1791, voilà déjà vingt-trois ans…
    — Comme je suis heureux de faire votre connaissance…
    — Moi aussi, ma mère m’a souvent parlé de vous dans ses lettres.
    — Votre mère… je l’ai sans doute jugée trop sévèrement.
    — Malgré ces terribles absences, elle avait, je crois, une véritable amitié pour vous. Quant à mon père, je préfère ne pas en parler… Quand je pense que vous avez combattu en Belgique dans les troupes de la République alors que je servais sous les ordres de Monsieur de Condé. N’eût-il pas été tragique que notre première rencontre se fît au bout d’un fusil ?
    Antoine passa des larmes au sourire.
    — Mais nous aurons le temps de faire connaissance, reprit Morlanges. Je suis venu vous libérer de cette prison où vous n’auriez jamais dû vous trouver.
    — Savez-vous pour quelle raison j’y suis et qui m’y a envoyé ?
    — On vous accuse de haute trahison, d’être un espion à la solde de l’usurpateur. Mais j’ignore d’où vient une telle calomnie. J’ai parlé à Sa Majesté de tous les services que vous aviez rendus pendant la Grande Guerre de la Vendée ; je lui ai aussi conté le malheur que vous avez… Enfin, le roi m’a paru à juste titre étonné que l’on envoyât un homme tel que vous en prison. Il m’a dit qu’un proche de M. Fouché…
    — J’ai pensé à quelqu’un, interrompit Antoine. Mais cela semble presque impossible…
    — Vous êtes bien énigmatique.
    — Je vous raconterai tout cela dès que je serai sorti d’ici.
    — Vous le serez demain.
     
    Et le jour suivant en effet, Morlanges fit sortir son beau-frère de la Conciergerie. Le soir même, Antoine soupa avec la famille du marquis, puis les deux hommes passèrent la journée du lendemain à faire connaissance. Il y avait un quart de siècle à relater, et surtout les neuf mois de l’année terrible qui comptaient plus pour Antoine que les vingt années suivantes. Ils continuèrent à se voir régulièrement pendant près d’un mois. Mais ils ne purent trouver aucun indice sur l’arrestation du peintre.
    — Vous devez haïr cette maudite Révolution, lui dit Morlanges alors qu’ils se promenaient aux Tuileries.
    — Pendant des années, je l’ai haïe en effet, mais aujourd’hui, je n’ai plus la faiblesse de la confondre avec les criminels qui l’ont si mal servie. Je vous déçois, n’est-ce pas ?
    Le visage du marquis s’était rembruni.
    — Alors, la mort de ma sœur ne suffit même pas à vous en dégoûter !
    — Ne vous fâchez
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