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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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à la même table que l’assassin de sa femme et en compagnie du frère de celle-ci, la situation lui parut aussi obscène qu’extravagante. Mais il voulait en avoir le cœur net. Au cours de la soirée, ses doutes resurgirent. Comment l’imposteur avait-il pu entrer aussi parfaitement dans la peau d’un aristocrate et tromper tout le monde, jusqu’aux rois de France et d’Espagne ? Et puis cette attitude si détachée avec laquelle Saint-Amant le considérait. On aurait juré qu’il n’avait jamais vu Antoine. Voisard était un génie de l’imposture, certes, mais comment pouvait-il feindre à ce point tout en conservant un tel calme et autant de naturel ? Il n’avait aucun geste suspect, pas de regard trouble, rien. Et si ce n’était qu’une simple ressemblance ? Mais l’Espagne ? Et ce bras qui manquait opportunément ? Voisard était-il assez fou pour s’amputer lui-même ? Cela défiait toute logique. Un imposteur ne pouvait se défigurer volontairement, c’eût été détruire son instrument de travail, ou plutôt, sa raison d’être.
    Antoine multipliait les conjectures tout en observant attentivement son hôte. Il lui semblait devenir fou à lier. Saint-Amant ne parlait pas, ne marchait pas et réagissait encore moins comme le criminel qu’il avait revu dix ans plus tôt, lors du procès de 1805. Même le timbre de la voix avait l’air différent. Sa vigilance baissa un peu. Épuisé nerveusement, il se laissa aller à la conversation. La nièce de Saint-Amant était une jeune fille charmante d’à peine dix-huit ans qui écoutait son vieil oncle comme un oracle.
    — En retrouvant ma nièce Isabelle, confia Saint-Amant attendri, j’ai retrouvé la chaleur de l’enfant que j’ai perdu.
    Antoine sortit troublé de cette soirée. Au lieu de dissiper ses premiers doutes, l’entrevue n’avait fait que les multiplier. Il ne voulait plus rester dans l’incertitude. Il décida d’aborder Saint-Amant lorsque ce dernier serait seul. Il lui rendrait donc visite dès le lendemain, au prétexte de le remercier ; il emploierait une manière plus directe pour le faire parler. Il avait pris sur lui ses pistolets au cas où il aurait enfin quelque certitude.
     
    Le majordome le fit attendre dans le salon. Antoine ruisselait de nervosité. En glissant ses mains dans ses poches, il vérifiait discrètement que ses pistolets étaient bien chargés.
    La jeune Isabelle de Saint-Amant apparut soudain dans la pièce. Elle avait un sourire radieux. Tout en elle respirait l’innocence et la pureté. On voyait qu’elle appréciait beaucoup Antoine.
    — Mon oncle va vous recevoir dans son bureau, dit-elle gaiement. Je vous apporte un rafraîchissement.
    Antoine répondit par un sourire crispé.
    — Mais qu’avez-vous, Monsieur, vous semblez malade ?
    — Ce n’est rien, Mademoiselle, juste un peu de fatigue.
    Elle lui tendit son rafraîchissement.
    Antoine but et la remercia.
    — Je vais voir si mon oncle est prêt.
    Elle monta puis revint appeler Antoine qu’elle accompagna jusqu’à l’étage.
    — J’espère que vous nous rendrez souvent visite, Monsieur, dit-elle d’un ton aimable avant de l’introduire dans la pièce et de s’en aller.
    Saint-Amant était assis à son bureau. Il se leva en souriant lorsqu’il aperçut Antoine, mais celui-ci ne lui laissa pas le temps de parler.
    — Tu as cru que tu pouvais m’amuser avec ta nouvelle imposture ?
    — Pardon ? Allons, Monsieur, que signifie ?
    — Je sais bien qui tu es et ta mutilation ne changera rien à cela.
    — Mais, enfin, m’expliquerez-vous, je ne comprends pas votre attitude ; vous voilà subitement si grossier. Avez-vous perdu la raison ?
    — Continue donc de faire l’imbécile, maintenant que je t’ai reconnu, je ne te laisserai plus en paix.
    — Ne m’obligez pas à appeler la police.
    — Appelle-la donc ! Toi, l’ancien bagnard, Michel Voisard, tu voudrais passer pour le comte de Saint-Amant ! Tu l’as tué lui aussi n’est-ce pas ?
    Saint-Amant eut l’air d’avoir une soudaine révélation.
    — Ah ! C’est donc cela ! Je comprends mieux maintenant. Vous m’avez pris pour ce Voisard ; quelques amis m’ont déjà parlé de lui. On dit qu’il existe une vague ressemblance entre ce bandit et moi, c’est même devenu une sorte de plaisanterie à la Cour ; mais enfin, Monsieur, comment pouvez-vous imaginer ?
    — Ce ne serait donc qu’une ressemblance, ta présence en

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