De Gaulle Intime : Un Aide De Camp Raconte. Mémoires
trop tendu les ressorts qui se sont brusquement rompus dans la grande crise de 1968. Mais on ne peut lui faire grief d’avoir oeuvré au progrès de la France, un progrès collectif qui est la base du bien-être des citoyens.
La défense, la sécurité de notre pays furent son souci permanent. Il les a garanties en dotant la France des armements les plus puissants qui soient. Chez nous et à l’étranger, ses opposants ont taxé d’orgueil et de mégalomanie son programme militaire qui apparaissait irréalisable avec les moyens dont disposait la nation. Sa foi dans la capacité des Français a été récompensée par de nombreux succès dans le domaine de la Défense, comme dans de nombreux autres. Le général de Gaulle n’a pas érigé de monuments à sa gloire. Les monuments qui portent sa signature s’appellent industrie aéronautique, industrie de l’espace, énergie nucléaire, etc. Toutes techniques qui engendrent le progrès. Lorsque l’État est en jeu, sa résolution est sans faille, son comportement inflexible, au point de paraître dur parfois, mais jamais vindicatif.
Le Canard enchaîné , dans sa chronique hebdomadaire « La Cour », a pensé le desservir en le présentant en Louis XIV affublé d’une perruque d’époque. Il n’a fait que le grandir tant les Français sentaient, quoique confusément, qu’il leur fallait, à leur tête, quelqu’un d’exceptionnel par sa stature historique. Le général de Gaulle le fut, indiscutablement.
Et Charles de Gaulle ? Il n’a cessé d’observer et de contraindre à agir celui qui est devenu le général de Gaulle. Nul n’est plus qualifié que sa famille pour en parler, notamment son fils Philippe qui nous a donné un portrait de son père.
Cependant, pour l’avoir côtoyé pendant plus de huit ans, j’ai relevé quelques traits de son personnage.
La première chose qui frappe est son physique. Jeune capitaine en Pologne, à l’état-major du maréchal Pilsudski, il est grand, élégant, bien découplé, la lèvre sensuelle. Nul doute qu’il ait collectionné les conquêtes parmi les jeunes comtesses polonaises, à moins que ce ne soient elles qui aient, en belles intrigantes, fait sa conquête. J’ai constaté qu’il est resté très sensible à la beauté féminine. La reine de Thaïlande Sirikit l’a charmé par sa beauté, sa grâce. On a dit que Jackie Kennedy l’avait beaucoup impressionné. C’est vrai qu’elle était élégante, sinon belle. Qu’il l’ait entourée d’égards était bien normal puisqu’elle était l’hôte de la France et la femme de Kennedy, le président des puissants États-Unis d’Amérique. Je ne suis pas sûr qu’il ait été conquis : en dépit de son origine française – la famille Bouvier –, il avait décelé en Jackie Kennedy l’Américaine ambitieuse. Après le départ du célèbre couple présidentiel américain, il eut ces paroles prémonitoires :
— Si par malheur, ce que je ne souhaite pas, il arrivait quelque chose à Kennedy, je la vois très bien se remariant avec un Onassis quelconque.
C’est Brigitte Bardot qui, selon moi, a produit la plus forte impression sur lui. André Malraux, ministre des Affaires culturelles, avait convaincu le Général de donner une réception pour les Arts et Lettres. Le président de la République reçoit donc, en fin de journée, les monstres sacrés dans le salon des Ambassadeurs. La réception est déjà bien avancée quand apparaissent Brigitte Bardot et son mari Gunther Sachs. Brigitte Bardot, habillée en hussard de la mort avec brandebourgs dorés, est véritablement éblouissante. Alors qu’elle attend d’être annoncée par l’huissier, le Général, l’apercevant, donne un coup de coude à Malraux :
— Chic, un militaire.
Il avance ensuite vers elle et lui dit :
— Je suis un militaire en civil et vous, une civile en militaire.
Puis il l’entraîne au buffet de la salle des Fêtes. L’huissier n’aura pas eu à présenter et crier :
— Madame Brigitte Bardot…
Charles de Gaulle n’est pas sensible aux arts plastiques et compte sur Malraux pour l’éclairer. En revanche il s’intéresse aux sports et aux efforts que les champions doivent faire pour parvenir à l’excellence. Il apprécie également les chanteurs populaires et il ne m’étonnerait pas qu’il fredonne leurs succès en se rasant.
Physiquement, il est très solide. Ses promenades dominicales, dans la forêt des Dhuis, se font à
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