Délivrez-nous du mal
romaine.
« Où diable ai-je mis les pieds ? »
C HAPITRE 10
Bénédict Gui devait désormais retourner à Rome.
Il emportait avec lui les documents de Spalatro, les conclusions de Pozzo et une convocation émanée du secrétariat du cardinal Moccha. Il se présenta à la porte Elaminia par laquelle il avait pris la fuite seize jours auparavant.
Les cloches de la ville sonnaient l’office de tierce, une foule se pressait devant le guichet d’entrée : des marchands, des voyageurs, des pèlerins, des soldats de fortune, des hommes qui tentaient leur chance comme main-d’œuvre journalière.
Nul n’était sans savoir que les postes de douane romains comptaient parmi les plus corrompus du monde ; à moins de détenir un sauf-conduit, il fallait graisser la patte de l’agent péager ou renoncer à franchir les remparts.
Bénédict Gui soupçonnait que, dès son évasion, Fauvel de Bazan avait fait circuler son signalement ; il comptait sur son accoutrement de marchand et sur la disparition de sa barbe et de ses longs cheveux pour ne pas être remarqué trop tôt.
Dans la Rome antique, le Sénat avait tout pouvoir ; aujourd’hui, l’Église l’avait admirablement remplacé : Bénédict présenta les documents le mentionnant sous le nom de Pietro Mandez, mandataire de la paroisse de Spalatro. Rien ne lui fut demandé de plus que les sceaux de Moccha et du supérieur de Pozzo. Hier fugitif, il fut salué par les gardiens pour son retour.
Il retrouva Rome : confuse et sale, dévote et aventureuse. Moines, filles publiques, pénitents, grands seigneurs, portefaix et porte-croix, arracheurs de dents et donneurs de leçons, saintes et maquerelles se côtoyaient sans se confondre, tous souillés de la même boue indélébile.
Bénédict, capuchon rabattu jusqu’au front, fila dans les ruelles, esquivant les attroupements et les unités de soldats.
Il se rendit à l’atelier de son ami Salvestro Conti. Seulement, il ne se présenta pas dans le corps de logis qui abritait la fabrique de livres et la résidence du maître, mais dans l’aile des chambres d’hébergement des apprentis et des compagnons de Salvestro Conti.
Le bâtiment comportait une large façade semée de fenêtres carrées. Bénédict gravit les marches d’un escalier extérieur qui débouchait sur un passage à couvert. Gui s’arrêta devant une huis, regarda s’il n’était pas observé puis, rapide et précis, descella une brique du cadre de la porte derrière laquelle était dissimulée une clef.
Il remit la pierre et déverrouilla la porte.
Il monta à l’étage supérieur et usa une seconde fois de la clef pour ouvrir l’une des portes du palier.
Il entra rapidement en refermant l’issue dans son dos.
Trois personnes étaient présentes dans cette chambre. L’une d’entre elles, après un instant d’hésitation, bondit sur les pas de Bénédict Gui.
— Maître Gui !
C’était Zapetta.
— Je commençais à craindre que vous ne reviendriez plus, qu’ils ne vous laisseraient jamais rentrer dans Rome !
Les deux autres personnes étaient ses parents. La mère restait alitée, hébétée et inconsciente. Son vieux mari, assis à son chevet, lui tenait la main ; il ne prêta aucune attention à l’entrée de Gui.
— Ma mère s’est évanouie le jour où j’ai dû lui avouer la disparition de Rainerio, expliqua Zapetta. Elle n’a pas repris connaissance depuis. Le fait d’avoir quitté précipitamment notre logis pour venir nous cacher n’a pas arrangé son état.
Bénédict s’approcha de la vieille femme ; il lui examina le pouls, le fond de l’œil et la langue. Puis il prescrivit à Zapetta une décoction qui pourrait lui redonner quelques forces.
— Vous êtes bien traités ici ? demanda-t-il.
— Oh oui ! s’exclama la fille. Depuis que votre ami Matthieu est allé nous trouver pour nous abriter dans cette chambre, il ne se passe pas un jour sans qu’il vienne s’inquiéter de notre état et nous apporter de quoi manger. Il nous a conté ce qui vous est arrivé, l’arrestation, l’évasion, votre boutique réduite en cendres. De surcroît, il se rend à intervalles fixes dans notre quartier afin de vérifier si mon frère ne serait pas de retour, ce qui nous rassure beaucoup.
Bénédict sourit.
— Je n’en attendais pas moins de lui, c’est un brave garçon.
Zapetta trépignait :
— Qu’avez-vous appris ? Avez-vous retrouvé la trace de Rainerio ?
À ces mots, le
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