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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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arrivée…
    Il ne s’attendait pas à mourir si tôt. Si près d’atteindre son but.
    Sans plus de forces, son corps renonça à l’instinct de survie qui lui défendait de boire et laissa pénétrer l’eau : une longue rasade abondante et glacée, interminable, une coulée sans goût qui arrivait comme une délivrance.
    Il ne sentait plus ses entrailles.
    Il dégurgita ses dernières bulles d’air.
    La douleur s’était estompée. Il ne savait plus où il était, ni qui il était ; tout était ramassé en une seule et même fraction de durée.
    Ce fut sur cette impression de brisure, de retour au calme, que la vie quitta Guillem Aba.

C HAPITRE 12
    Artémidore de Broca arriva auprès d’Até et de Profuturus.
    Un jeune homme le soutenait. Il voyait sa fille pour la première fois depuis leur entretien à Rome et le départ de la jeune femme aux cheveux roux pour Cantimpré et Castelginaux.
    Até s’avança vers son père et, selon l’usage, lui baisa la main. Lui caressa affectueusement son front.
    Ensuite il prit la direction des souterrains du monastère, là où se trouvaient les cryptes d’expérience.
    Ils empruntèrent un couloir sombre. La lumière provenait seulement de quelques minces ouvertures pratiquées dans les murs.
    Artémidore invita sa fille à regarder avec lui au travers.
    Elle vit alors la jeune Agnès qui se trouvait au milieu d’une crypte illuminée de nombreuses bougies, en compagnie de deux moines.
    Son front était maculé de gouttelettes de sang. L’un des moines s’approcha d’elle, mais la petite se récria et se débattit pour l’empêcher de la toucher. Le second moine dut l’immobiliser brutalement.
    Le premier fit un prélèvement de sang à l’aide d’une cuiller en cuivre ; il alla ensuite à un pupitre où se trouvait une fiole contenant un sang d’une autre couleur. À l’aide d’un morceau de verre, il compara les deux échantillons dans l’éclat d’un cierge.
    Après quoi, il se munit d’une bandelette de linge et la passa sur le crâne de l’enfant.
    Il la déroula sur le pupitre.
    Les traces de sang d’Agnès avaient dessiné des mots et une phrase en latin.
    Le moine se tourna vers le mur aux ouvertures et fit un lent signe d’approbation de la tête.
    Artémidore se plaça devant un autre orifice qui donnait sur une deuxième crypte.
    Perrot s’y trouvait, solidement ligoté à une chaise.
    Até ne put réprimer un mouvement de recul.
    — Pourquoi l’attachez-vous ? demanda à voix basse Artémidore.
    — Depuis quelque temps, les enfants sont devenus réfractaires. Ils ne veulent pas coopérer…
    — Se doutent-ils de quelque chose ?
    L’abbé fit un mouvement de dénégation de la tête :
    — C’est impossible, Votre Grâce.
    Il voulut tranquilliser son maître :
    — Leur réaction est normale. Jésus lui-même doit à plusieurs reprises se faire prier pour accomplir des miracles ; il reproche à ses solliciteurs d’avoir l’esprit grossier et curieux des superstitieux ; parfois même il refuse de s’exécuter ou réclame le plus grand silence possible sur ses prodiges. C’est un mouvement naturel chez les thaumaturges-guérisseurs de n’obtempérer qu’à contrecœur à la production mécanique de leurs dons.
    Dans la crypte, Perrot était environné d’un réseau d’alambics aux longs cols, prolongé par des cloches et des serpentins de verre. Cet entrecroisement de tubes était sous le contrôle d’un vieux moine. Une paire de soufflets et un jeu de soupapes y faisaient circuler une énorme quantité de sang.
    Les tubes partaient d’un coin à l’autre de la crypte, et entouraient Perrot. Sous les cols-de-cygne, des robinets permettaient de récolter des échantillons de sang selon leur proximité de l’emplacement où se tenait l’enfant.
    Le vieux moine préleva quelques gouttes et alla à une table sur laquelle un récipient d’argent contenait de la poudre d’un vieux sang séché. Il déposa dessus une infime parcelle du sang frais et, sous ses yeux, les résidus se métamorphosèrent, retrouvant leur texture et leur couleur d’autrefois.
    Le vieil homme, pourtant rompu aux études expérimentales les plus hardies, ne put s’empêcher de laisser échapper un cri de stupéfaction.
    Profuturus dit à Artémidore :
    — Nous savons que, dans le corps de l’homme, le sang, lorsqu’il passe à travers les poumons, ressort plus clair, plus vif qu’il n’y est entré. Il semble régénéré. Nous

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