Délivrez-nous du mal
en ignorons la raison première. Mais nous avons remarqué qu’il se passe la même chose lorsque du sang frôle Perrot !
Artémidore sourit.
Até, qui observait le garçon, était toujours inquiète.
De son côté, Perrot luttait pour contrecarrer ses émotions, ses frissons, pour ne pas laisser son don s’exprimer et satisfaire le vieux moine.
À force d’obstination, il réussit à étouffer ses frissonnements de guérisseur ; mais alors il se mit à entendre des voix ! De nombreuses voix qui parlaient sans converser, se chevauchant.
Il prit peur et tout disparut…
La visite continua par une troisième crypte dans laquelle se trouvaient Damien et Simon, debout, ligotés à des piliers de bois.
Plus de huit moines les entouraient.
La porte de la crypte s’ouvrit et un homme à moitié nu, le visage dissimulé sous un sac de toile, entra, les bras tenus par deux gardes.
— Regardez bien, dit Profuturus au chancelier et à sa fille.
L’un des moines libéra le visage de l’homme. L’on s’aperçut qu’il s’agissait d’un dément ou d’un débile. Il avait les yeux exorbités, le regard agité et la lippe pendante.
Damien et Simon restaient roides, tous deux s’obstinaient à garder les yeux clos.
— Eux aussi résistent, commenta Profuturus.
Des moines approchèrent avec des pinces de plomb et relevèrent de force leurs paupières en leur immobilisant le crâne.
Il fallut un certain temps avant que le regard du fou croise celui de Damien. Dès que ce fut fait, l’homme pâlit et fut soudain pris de vomissements.
Au même moment, les moines lurent sur le visage de Simon une subite agitation ; il suivait des yeux quelque chose d’invisible qui s’ébrouait dans la crypte.
Profuturus dit, rayonnant :
— Damien a expulsé le démon du corps de ce fou et Simon est le seul en ce moment à pouvoir le voir fuir et s’ébattre dans la crypte !
Jehan, l’enfant doté du pouvoir de restituer des vérités grâce à des songes miraculeux, était étendu sur un lit de cordes.
Il sommeillait.
Quatre moines se trouvaient à ses côtés ; tous tenaient un parchemin sur lequel était écrit un même texte grec.
Profuturus le tendit à Artémidore et à Até.
L’un des moines s’approcha de Jehan et lui murmura à l’oreille :
— Cent onzième interrogatoire des démons, conduit par Salomon, tel que décrit dans son Testamen t.
Jehan resta un moment sans réaction. Puis son front se contracta et il se mit à débiter, en grec :
— « Tu les contraindras d’agir, sans requérir Son aval, par l’incantation des quatre versets de…»
Et il parla ainsi le temps de deux colonnes serrées de texte.
À mesure que l’enfant récitait, les hommes suivaient des yeux le feuillet qu’ils avaient entre les mains.
Jehan le répéta dans son intégralité, mot pour mot.
Lorsque cela fut fini, une vive émotion étreignit les témoins dans la crypte.
L’abbé Profuturus dit au chancelier :
— Tout est en place, Monseigneur.
— Je vois. Alors dépêchons...
C HAPITRE 13
Dans un premier temps, Bénédict Gui n’aperçut rien. Son regard était voilé, il se réveillait.
Il sentit qu’il était nu, allongé sur une planche de bois, les chevilles et les poignets comprimés par des cordes, ses jambes et ses bras tendus à l’horizontale, son crâne pressé entre les mâchoires d’un étau.
Plus il recouvrait ses esprits et plus la douleur devenait aiguë.
Il découvrit un plafond bas, voûté, taillé dans la masse d’un roc ; la fraîcheur et l’humidité lui indiquaient qu’il se trouvait dans une cave. Elle était éclairée par trois torches. La tête immobilisée, il n’avait pour lui que le mouvement désordonné de ses yeux.
Alors lui revint en mémoire son arrestation par Fauvel de Bazan dans le cabinet du cardinal Moccha à Rome.
« Où suis-je… ? »
Il repensa aux geôles de Matteoli Elo dont l’avait menacé Bazan lors de leur première rencontre dans sa boutique.
Au milieu de la voûte, au-dessus de lui, un crucifix en bois était fiché dans la roche.
Soudain, la croix disparut pour laisser place à un visage.
Fauvel de Bazan, penché sur lui :
— Eh bien ? Où sont les Romains qui viendront te libérer, Bénédict ? Par quel ingénieux procédé comptes-tu cette fois m’échapper ?
Il sourit :
— Je le savais, rien n’est plus prévisible qu’un homme méthodique. Il suffit d’être patient, son parcours est écrit
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