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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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    — La résurrection des corps. L’affirmation qu’en sus de l’immortalité de l’âme et, de la survie de la personnalité, l’homme et la femme retrouveront leur enveloppe charnelle à la fin des temps. Pour les justes, ce relèvement s’effectuera au retour sur terre du Christ ; pour les pécheurs, ils devront patienter jusqu’au Jugement dernier. Mais tout le monde habitera de nouveau son corps ! C’est ce gage particulier qui a convaincu les peuples barbares de se faire chrétiens. Ces brutes guerrières vénéraient leur apparence ; un homme, fils de Dieu trépassé sur la Croix, leur garantissait que, s’ils avaient foi en lui, ils retrouveraient, au-delà du temps, leurs muscles puissants et leurs longues chevelures. Séduits, ils ont abjuré leurs croyances et, grâce à eux, l’influence des évêques a bientôt surpassé celle des gouverneurs romains.
    Artémidore sourit :
    — Mais là encore une question se pose, ma fille : comment cela fonctionne-t-il ? Comment la dépouille corrompue d’un homme peut-elle être rendue à son apparence d’autrefois ? Comment ce miracle s’exerce-t-il ?
    Até avait du mal à contenir sa stupéfaction. Elle n’échappa pas à Artémidore.
    Il poursuivit, d’une voix lente :
    — Les écrits du passé abondent en récits d’hommes ressuscités par des thaumaturges : d’Apollo-nios de Tyane à Marie la Juive, en passant par les apôtres, ou les cas de Lazare, de l’enfant de Jaïre et de l’esclave du centurion relevés des morts par Jésus au cours de son ministère terrestre. J’ai fait étudier avec minutie les manuels anciens abordant ce sujet. Nous savons que des sorcières, aujourd’hui encore, se sont transmis ces dons et n’ignorent pas comment les enchanter. Nous connaissons ces formules, ces incantations et l’ordre à respecter, mais, jusqu’à très récemment, l’essentiel nous échappait : les moyens d’exécution.
    Até dit :
    — Les enfants ?
    Profuturus reprit la parole et fit un geste vers la porte.
    — Si vous voulez bien me suivre…

C HAPITRE 15
    Bénédict Gui entendit la porte de la crypte s’ouvrir, frôler la terre battue, puis le tintement d’un pot d’étain qu’on reposait au sol.
    Un bourreau ôta la poire d’angoisse qui lui démettait les mâchoires. Il introduisit entre ses dents un entonnoir ; Gui sentit une répugnante mixture d’eau chaude, de bouilli de grains et de gras de porc lui gonfler l’estomac.
    Il eut le tournis. Son ventre fut gonflé par le brouet ; il s’aperçut, après que le bourreau lui eut replacé la poire d’angoisse, que sa langue avait doublé de volume.
    Les effets de la fatigue commençaient à se faire sentir. La douleur incessante de ses membres écartelés le poussait à un rythme cardiaque soutenu qui l’épuisait. Les notions d’instant et de durée devenaient confuses, le temps revêtait cette immédiateté sans passé ni futur que l’on vit dans les rêves. Il ne savait plus depuis combien d’heures il se tenait allongé sur cette table de torture.
    Or çà, il tâchait d’ignorer son corps.
    Ses tourmenteurs veillaient à ce qu’il ne ferme jamais les yeux.
    Il consacrait ses moindres instants de lucidité à ressasser les éléments de l’intrigue de Rainerio…
    Il partait toujours du même point : « L’évidence veut que tout, absolument tout, trouve son origine dans le jour où Rainerio s’aperçoit que des enfants dotés d’étranges pouvoirs disparaissent et que ses rapports remis au Latran servent d’instructions préalables à leurs ravisseurs !
    « Le garçon a dû être dévasté par cette découverte. Ne s’est-il pas senti responsable de ce qui arrivait aux enfants ? Ne les avait-il pas désignés malgré lui au cours de ses recherches pour la Sacrée Congrégation ?
    « Messe noire, viol, assassinat, rançonnage, bûcher, que n’a-t-il pas imaginé ?
    « La première personne à suspecter, c’est son maître, Henrik Rasmussen ! Ses recherches sur les enfants passaient par lui avant de circuler au Latran…»
    Si Bénédict n’avait pas eu le crâne pris entre deux mâchoires de bois, il aurait secoué la tête :
    « Non. À Pozzo, Hauser a bien dit que Rasmussen s’était aussi ému de la découverte de son assistant sur les disparitions d’enfants. Ils œuvraient côte à côte. » Alors qu’avaient-ils appris ? Bénédict réfléchit sur la nature de leurs liens : « Leur rencontre

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