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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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invisibles convoquées par la litanie ! Elles pénétraient dans la salle, virevoltaient autour du sarcophage et de la dépouille du père Aba…
    — Combien de temps cela va-t-il prendre ? demanda Artémidore.
    L’abbé Profuturus sourit.
    — D’après moi, à peine quelques instants !
    À l’extérieur, les moines s’étonnèrent d’une brusque déperdition de jour. Un astrologue qui se préparait sur les remparts à établir l’ascension droite de deux planètes, vit la nue s’assombrir d’une manière inquiétante.
    Avec cela, une tiédeur insolite l’enveloppa, en plein hiver, alors même qu’il ne percevait pas le moindre souffle de vent du sud ; pourtant les ifs des jardins bruissèrent, les chevaux ruèrent dans leurs stalles et le cœur des cloches d’airain des petites églises du monastère se mit à vrombir sans explication…
    Perrot, lui, dans le silence de la pièce, derrière la monotone lecture, entendait des murmures !
    Il observait le cadavre du père Aba, autant grâce à ses yeux qu’au travers de ceux de Jehan, de Damien, d’Agnès et de Simon.
    Damien apercevait des nuées noires coiffées d’une tête de diable entrer et sortir de la colonne de fumée qui montait autour du sarcophage. Mais le garçon détournait le regard, baissait ses paupières, pour ne pas les « chasser », comme son don le lui permettait, et comme Artémidore et Profuturus en avaient certainement le dessein.
    « Ne pas coopérer  », se répétait-il.
    Il laissait les diables s’accumuler dans la pièce.
    Perrot voyait aussi ces ombres spectrales appelées par les versets de Salomon, remuant au-dessus de la carcasse de Guillem Aba ; certaines piquaient violemment sur le corps, comme des oiseaux de proie, mais rebondissaient, heurtées par la peau de cerf qui semblait leur être un rempart infranchissable.
    De son côté, Simon ne voyait pas les démons mais les revenants. Comme Damien, il fermait les yeux pour ne pas participer à l’expérience. Mais il entendait une voix. Une voix implorante.
    Perrot l’avait reconnue.
    L’âme de Guillem Aba était de retour.
    Perrot sentit ses mains et ses pieds lui brûler. Il saignait soudain les six stigmates des plaies du Christ ! Mais ce qui l’effraya davantage, ce fut que personne ne s’en aperçut ; Profuturus et Artémidore le regardaient sans étonnement particulier…
    Perrot, ensanglanté, braqua son regard sur celui des diables : aussitôt ils s’évanouirent en poussant un cri, sans écho, et qui s’interrompait dès leur disparition.
    Damien fut surpris d’assister à cette débandade alors qu’il n’y était pour rien.
    Artémidore s’avança vers Aba.
    Son visage resplendit.
    — Venez voir ! lança-t-il à Profuturus.
    Ce dernier constata que l’entaille pratiquée sur l’avant-bras du mort s’était éclaircie, les chairs ramollies, et le sang d’Agnès posé avec la lancette frémissait comme s’il était en ébullition.
    — Perrot est en train de régénérer son sang ! déclara Profuturus.
    Mais Perrot ne faisait pas que cela. Il était devenu, lui , ce personnage doué de tous les pouvoirs qu’appréhendaient les enfants, réunissant les dons des cinq compagnons, et plus encore.
    Cependant il n’avait pas peur, il ne se sentait pas submergé par cet accroissement de pouvoir, mais plutôt guidé par cette force supérieure qui agissait et parlait en son for ; cette même voix de vérité qui s’adressait au jeune Jehan chaque fois qu’il tombait dans des songes miraculeux !
    Perrot aperçut trois couleurs.
    Les trois pierres d’ambre, de quartz et d’obsidienne déposées par Profuturus sur le corps d’Aba, se mirent à diffuser un éclat bleu, vert et rouge.
    Perrot était le seul à les percevoir.
    Il comprit que son devoir était d’étendre ces trois irradiations de couleurs qui voletaient au-dessus d’Aba, les étendre afin qu’elles enveloppassent son corps entier.
    Il se concentra, concentra ses dons sur ces lumignons vacillants et, puisant dans sa propre énergie, leur donna l’élan de s’accroître…
    Mais chaque variation, chaque pouce gagné, entamait terriblement ses forces.
    Le bleu, le rouge et le vert s’enchevêtraient, oscillaient, roulaient, se divisaient comme de l’huile à la surface de l’eau. Ils devenaient si intenses que les volutes de fumée verticale autour du sarcophage s’en imprégnèrent.
    Perrot bataillait contre un arc-en-ciel tourbillonnant.
    Dans son

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