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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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écritoire.
    — Ne touchez à rien.
    Elle l’interrompit une dernière fois pour lui demander si elle devait aussi renoncer à déplacer un dossier qui traînait par terre sous son bureau.
    Bénédict s’étonna : il ne connaissait pas cette couverture de veau à grosses lanières. Il découvrit qu’il s’agissait d’un des textes apportés la veille par Maxime de Chênedollé. Le riche marchand avait dû l’oublier. Ce n’était qu’un traité comptable de plus avec son fournisseur vénitien. Par acquit de conscience, Bénédict vérifia s’il ne s’y trouvait pas de nouvelles lignes encodées selon le chiffre secret de la veille, mais non ; il ne parcourut que des pages fastidieuses de descriptifs d’étoffes et de pierres rares.
    Bénédict pesta à l’idée que ce Chênedollé viendrait le rechercher. Il déposa le document près de la porte, dit à Viola qu’on le ferait peut-être prendre et sortit.
    Ce matin encore, il dut esquiver le gros Porticcio qui avait entraîné avec lui sa cadette nubile.
    — Un homme comme toi ne doit pas vivre comme tu le fais, Bénédict, protesta-t-il. C’est une femme, qu’il te faut ! Une femme et des enfants. Ou bien, prends le froc et n’en parlons plus ! Tu ne peux continuer à passer tes journées seul à réfléchir ! Ce n’est pas sain, Bénédict !
    Gui lui répondit en souriant :
    — J’y réfléchirai.
    — À ma fille ?
    — Au froc.
    Il gagna à pied la piazza Segni.
    Cinq ans plus tôt, une caserne militaire y avait été transformée par les hospitaliers en station d’hébergement pour les pèlerins de passage à Rome. Les marcheurs de Dieu, partant ou revenant de la Terre sainte, y étaient accueillis quelques heures ou quelques jours dans l’attente d’un convoi.
    L’hospice était assiégé de monde. Des Romaines venaient offrir leurs vêtements usés aux pérégrins, un dominicain arbitrait une confession publique, des pèlerins psalmodiaient, alors que d’autres jouaient aux osselets. C’était une meute priant et braillant, recueillie et agitée.
    Mais la grande affaire, à l’hospice, c’était la mangeaille.
    Un immense réfectoire servait aux pénitents. On y pouvait entendre parler onze langues, les chrétiens de tous les points du monde s’y retrouvaient le long de tables gigantesques.
    Bénédict circula parmi les bancs à la recherche de quelqu’un. Il reconnut un homme qui passait lui aussi auprès des pèlerins, vêtu d’un large manteau d’où il sortait, pour les vendre, une kyrielle d’objets et de remèdes « essentiels » à la bonne conduite d’un pèlerinage : flacon d’eau du Jourdain, croix en bois d’olivier, baume cicatrisant ampoules et inflammations, effigie chaldéenne censée réduire la faim, monnaies locales, allumettes soufrées, etc.
    Ce camelot anglais de Guyenne se nommait Saverdun Brown. C’était un homme d’un certain âge, brave et bon, aimé des pèlerins et qui passait sa vie à l’hospice. Il évoquait le Levant comme s’il y avait vécu, alors qu’il n’avait jamais quitté les bords du Tibre.
    Bénédict alla à lui :
    — Je cherche un garçon nommé Tomaso di Fregi qui travaille ou travaillait ici, lui dit-il en reprenant les indications de Zapetta. Peux-tu m’aider à le trouver ?
    — Il y a un Tomaso, répondit Saverdun Brown qui possédait l’hospice comme sa poche, il appartient au personnel des cuisines.
    Bénédict le suivit dans les sous-sols où il découvrit de nombreux fourneaux, des chaudrons fumants, des montagnes de grains d’épeautre et d’épices, un parc de volailles prêtes et des cuves à boudin : de quoi nourrir des centaines d’hommes par jour.
    Tomaso devait être de l’âge de Rainerio, le cheveu noir, le teint mat, un cou de paysan, sans doute originaire du Sud. Il avait un air goguenard.
    Le garçon s’étonna qu’on vienne le trouver ici. On n’avait pas l’habitude d’y voir des visiteurs ; les autres cuisiniers et marmitons observaient Gui.
    — C’est au sujet de Rainerio, lui dit Bénédict. Sa famille est inquiète ; il a disparu depuis six jours. Sais-tu quelque chose ?
    Le garçon s’essuya le front du revers de sa manche, un peu embarrassé :
    — Rainerio ?
    Il regarda autour de lui et vit que l’attention s’était tournée vers eux.
    — Nous ne pouvons pas parler ici.
    Saverdun Brown les quitta et le jeune homme escorta Bénédict à travers l’abattoir à cochons jusqu’à une réserve où

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