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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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lumière de la pièce.
    Chaque visage reflétait l’attention la plus soutenue.
    La peau du malade bleuit à vue d’œil ; il cessa de frissonner et de grelotter.
    Enfin, il ne bougea plus, son regard perdit tout éclat, fixé au plafond, sa bouche se figea, entrouverte.
    À l’évidence, il ne respirait plus…
    Il y eut un long silence.
    Il était mort.
    Le silence s’éternisait.
    Gàta resta immobile.
    On s’entreregarda, déçu ou résigné selon la confiance qu’on accordait aux talents de la géomancienne.
    Elle murmura un mot incompréhensible, d’une voix posée.
    Alors les épaules de Rainerio se soulevèrent d’un coup dans une spectaculaire inspiration ; il s’était dressé de moitié sur le lit, les yeux écarquillés, les veines du cou saillantes. Il ne respirait pas, il haletait.
    La moitié des gens présents quittèrent la maison dans un mouvement de panique ; ils furent aussitôt remplacés par d’autres curieux qui étaient retenus à l’extérieur.
    Cependant Rainerio retombait sur sa couche.
    Gàta considéra le prodige avec une indifférence confondante. Elle recouvrit le torse du jeune homme qui s’était endormi, le visage apaisé, les traits recouvrant peu à peu leurs couleurs.
    — Du vin de cynorrhodon, prescrit-elle, ce garçon a besoin de reconstituer ses forces. Dans trois lunes, il sera sur pied.
    Elle renâcla et cracha par terre, rangea ses pierres et sa cassolette puis fit un geste impatient pour qu’on lui libère un passage vers la sortie ; enfin, en compagnie d’une petite fille crasseuse qui l’attendait au-dehors, elle s’éloigna pour rejoindre son cabanon dans la forêt.
    La stupéfaction régnait à Viska.
    Il fut convenu qu’il serait imprudent de rendre compte à l’évêque du passage de Gàta. Il ne manquerait pas de crier à la démone et de les châtier durement. Qu’aurait-il accompli à la place de l’enchanteresse ? Il aurait célébré, en se pressant, les derniers rites sur l’inconnu, même sans preuve de son baptême, tout cela afin de percevoir l’obit, la taxe des funérailles, auprès de Marek et de Svatava. Et le malade serait mort avant son heure et aurait hanté Viska pour Dieu sait combien de temps…
    Le vieux chasseur et son épouse veillèrent Rainerio nuit et jour. Son teint mat et ses cheveux sombres révélaient des origines méridionales. Il avait une cheville enflammée, les cheveux gâtés de teignes, l’auriculaire droit desséché par le froid. Pas le moindre sou sur lui, ni le moindre document.
    Depuis combien de temps errait-il de la sorte, dans la forêt, en plein hiver ?
    On compta trois lunes et, comme l’avait affirmé la guérisseuse, le jeune miraculé ouvrit les yeux, retrouva la parole et fut à même de se lever.
    D’abord effrayé de se trouver entouré de visages inconnus, et sous un toit dont il ignorait tout, il fut rapidement apaisé par les douces paroles de ses bienfaiteurs.
    — Mon nom est Rainerio, dit-il. Je viens de Rome et suis en route pour Olomouc.
    Il parlait un tchèque très sommaire, difficile à comprendre car il écorchait la prononciation.
    — Mon maître de Bohême m’a enseigné à Rome les rudiments de votre langue, expliqua-t-il aux habitants de Viska.
    Il mangea et but sans pouvoir se rassasier. Il ne présentait aucune séquelle de fatigue ni du traitement magique de Gàta et ne comprenait pas pourquoi les villageois le regardaient comme s’il était une inquiétante curiosité.
    — Que venez-vous faire ici ? lui demanda Marek.
    — J’ai dû prendre la fuite. Je me rends à Olomouc afin de rencontrer un certain Daniel Jasomirgott, chef de la police, qui doit me venir en aide.
    Il expliqua qu’il avait quitté Rome en secret et traversé les États pontificaux vers l’est jusqu’à la mer Adriatique. Arrivé au port de Pescara, il s’était embarqué sur un bâtiment de commerce qui l’avait conduit à Venise. Ensuite, il avait pris au nord en compagnie d’une caravane de moines qui s’en allaient prêcher en Carinthie.
    — Le Danube franchi, j’ai cheminé à pied et ai été attaqué par une bande de reîtres qui m’ont dépouillé de mes affaires de voyage, de mes vêtements d’hiver et de l’argent nécessaire à mon périple.
    Échoué dans un hospice près de Brno, il avait dormi deux jours d’affilée avant de reprendre, intrépide, son expédition.
    — J’avais présumé de mes forces, avoua-t-il. Égaré sous vos forêts que je

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