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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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Jasomirgott ?
    — L’accès de la prison est défendu.
    Abandonné par son clerc, Rainerio se vit renvoyé dans les rues d’Olomouc alors que la nouvelle d’une attaque se propageait et que la population commençait à s’affoler.
    Il s’approcha d’une place de marché où l’on se ruait pour regrouper des provisions de bouche. Il repéra un homme qui avait acquis plusieurs sacs de raves.
    Il rassembla son courage et piqua droit sur lui. Il éventra les sacs et les raves roulèrent au sol ; il fit mine de vouloir les voler. Son action, loin de scandaliser autour de lui, suscita l’imitation et l’on fut soudain proche d’une révolte populaire, des personnes des deux sexes voulant se saisir de tout ce qui traînait sur les étals des marchands.
    Les gardes durent intervenir et faire cesser le soulèvement à coups de gourdins et de lances.
    Cinq agitateurs furent appréhendés, dont Rainerio ; tous promis à la potence du lendemain. Les autorités ne toléreraient aucune indiscipline à l’instant où il fallait s’armer pour protéger la ville.
    Rainerio fut secoué avec véhémence mais n’opposa aucune résistance.
    On le jeta en prison.
    Dans sa cellule, en compagnie d’une vingtaine d’autres détenus, il fut mis aux fers par un surveillant dont la peau grise et ridée ressemblait aux murs environnants ; il portait un épais trousseau de clefs à la ceinture.
    — Va prévenir Daniel Jasomirgott qu’un disciple d’Otto Cosmas est ici, lui murmura-t-il. Venu de Rome… Fais cela et tu pourras t’en féliciter.
    Le garde leva les sourcils.
    — Otto Cosmas ? Qui est-ce ?
    — Jasomirgott le saura.
    L’homme se gratta la tête.
    — Je suis le porteur des clefs, c’est tout. Je dois en référer à mon supérieur.
    — Fais cela, s’il te plaît. N’oublie pas : Otto Cosmas !
    Rainerio se blottit dans l’angle de la cellule, entre un ivrogne et un gamin intimidé. La moitié des prisonniers se trouvaient être des femmes et il n’échappa pas au jeune homme qu’une grosse matrone, crasse et à la voix caverneuse, était l’impératrice des lieux. Rainerio s’apprêtait à passer un mauvais moment lorsque, entre les barreaux de la cellule, apparut un vieil homme au crâne chauve, à la barbe grise taillée en couteau. Sa seule apparition suffit à figer d’effroi tous les occupants de la cellule. Il portait un pourpoint et des braies cousues dans le même cuir, au-dessus d’une chainse de tissu fin. Un collier précieux achevait de lui donner l’image d’un grand noble. Seul un détail brisait cette impression : du sang frais coulait de sa main gauche.
    C’était Daniel Jasomirgott.
    Il haussa les épaules en apercevant le jeune Rainerio.
    — C’est lui ? demanda-t-il au porteur de clefs, qui acquiesça.
    Rainerio se leva et s’avança.
    — Je suis le disciple d’Otto Cosmas, dit-il.
    — Otto est mort.
    — Cela fera bientôt deux années. Je sais que vous étiez son plus fidèle compagnon du temps où il vivait sur sa terre natale ! À Rome, il m’a fréquemment recommandé de venir vous voir, ici, à Olomouc, si j’avais un jour besoin d’aide.
    Jasomirgott fronça les sourcils :
    — D’aide ? Qui me dit que tu n’es pas un imposteur ? Le premier venu peut se prétendre l’ami d’un mort…
    — Interrogez-moi. Vous saurez si je mens.
    Daniel réfléchit et questionna :
    — En 1260, Otto a rédigé un opuscule important qui est passé inaperçu. Quel était-il ?
    Rainerio n’hésita pas :
    — Il s’agit de Contre le traité des trois imposteurs de Simon de Tournai en huit preuves. Maître Cosmas ne jugeait plus ce travail de jeunesse valable et considérait son échec comme mérité.
    — Pourquoi Cosmas a-t-il dû fuir la Bohême et s’installer à Rome ?
    — La rumeur a évoqué une affaire de mari trompé, mais en réalité il a été accusé de la mort d’un archidiacre à Prague.
    — L’avait-il tué ?
    Rainerio prit un temps et répondit :
    — Oui.
    — Avait-il partagé le lit de l’épouse du mari furieux ?
    — Certaines de ses pièces rimées laissent peu de doutes sur la question : je crois même qu’il l’a sincèrement aimée.
    — S’il t’a parlé de moi… que t’a-t-il dit ?
    — Il vous a sauvé de la noyade à dix ans et vous vous êtes sacrifié pour qu’il obtienne un poste qui vous revenait dans une école de philosophie.
    Intrigué, le chef de la police ordonna de le faire élargir.

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