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Dernier acte à Palmyre

Dernier acte à Palmyre

Titel: Dernier acte à Palmyre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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devant les dieux et les sculptures de pierre, il n’y a pas d’autre mois qu’avril. Mais pour être honnête, il faut ajouter que même en avril, à cause du goût des prêtres pour le secret, et vu l’importance de la foule, les chances restent minces de pénétrer à l’intérieur du temple.
    En août, il est seulement possible d’arpenter la vaste esplanade, comme une puce d’eau perdue dans le lac Volusinus, en essayant d’éviter les gens qui viennent vous claironner que vous avez manqué une fête tout à fait exceptionnelle. Je me baladai donc pendant un moment entre l’autel et le bassin lustral – deux superbes exemples du genre – avant de regarder tristement le grand portail fermé sous son porche décoré avec opulence. Je m’étais laissé dire que le sanctuaire intérieur était une pure merveille. Mais ce fut tout ce que je pus en voir.
    Il faut éviter Palmyre en août pour une autre raison : la chaleur intolérable qui y règne, accompagnée d’une trop forte luminosité. Je venais de traverser toute la ville à pied, en partant de notre campement établi devant la porte de Damas. J’avais donc couvert toute la distance séparant le temple d’Allath – une déesse sévère gardée par un lion majestueux haut de dix pieds – du temple de Bel, à l’autre extrémité de la ville – abritant le dieu de l’univers lui-même et deux de ses collègues, un dieu-lune et un dieu-soleil : Aglibol et Yarhibol. La profusion de dieux honorés dans cette cité faisait ressembler les douze dieux de l’Olympe romain à une minable réunion de famille. Comme la plupart des temples syriens sont entourés de vastes enceintes à ciel ouvert qui font fonction de piège à soleil, les centaines de dieux de Palmyre cuisaient à petit feu, malgré les rideaux qui les maintenaient dans l’obscurité au plus profond de leurs sanctuaires. Ils avaient tout de même moins chaud que les pauvres idiots comme moi qui parcouraient les rues de la ville.
    Les sources sulfureuses étaient à marée basse dans leurs citernes, et les jardins qui les entouraient complètement desséchés. L’odeur qui s’en dégageait se noyait dans les autres senteurs de la cité, dont la principale importation était des huiles parfumées. Les rues poussiéreuses étaient inondées de soleil, et les tas d’excréments de chameau rissolaient doucement. Les rayons de l’astre paraissaient envelopper des milliers de jarres d’albâtre et de gourdes en peau de chèvre. Les fragrances mêlées de tous les baumes de l’Orient en train de fondre sous l’effet de la chaleur me suffoquaient presque, s’infiltraient dans mes pores, s’accrochaient aux plis de ma djellaba.
    Je chancelais presque en marchant. J’y voyais à peine, car j’avais été ébloui par d’innombrables plaques de bronze, des dizaines de statues, les soies et les mousselines aux couleurs vives, le vert profond du jade et celui des poteries. Des morceaux d’ivoire de la taille de grosses bûches étaient empilés au petit bonheur le long d’étals où l’on vendait de la viande et du poisson séchés. Des animaux attachés attendaient les acheteurs, dans une cacophonie de cris. Des marchands offraient des montagnes d’épices multicolores et du henné. Des bijoutiers vendaient des perles, qu’ils pesaient à l’aide de petites balances métalliques, aussi communément qu’on vend des pistaches à Rome. Des ménestrels récitaient de la poésie en s’accompagnant de tambours, dans une langue et sur un rythme qui m’étaient complètement inconnus.
    Palmyre m’apparaissait comme un gigantesque emporium où le client était roi. Même dans les rues où se pressait la foule, le marchand le plus occupé prenait le temps de répondre à mes questions. J’arrivais tout juste à me faire comprendre en grec. Beaucoup se contentaient de me montrer du doigt la direction à suivre. Mais tout le monde essayait de m’aider. On envoya des petits garçons demander à droite et à gauche si quelqu’un connaissait l’adresse que je cherchais. Des vieillards courbés en deux et appuyés sur un bâton m’accompagnaient en trottinant dans certaines ruelles pour me montrer des maisons probables. Je remarquai au passage que la moitié de la population avait des dents épouvantables et que beaucoup avaient des bras déformés. Peut-être les sources thermales n’étaient-elles pas aussi efficaces qu’on voulait bien le dire – qui sait si, au contraire, elles

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