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Dernier acte à Palmyre

Dernier acte à Palmyre

Titel: Dernier acte à Palmyre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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me mettre en tête de liste des victimes expiatoires destinées à la Haute Place ?
    — Quand on immole une victime à Dushara, il faut qu’elle soit pure ! commenta Le Frère.
    Il avait un sens de l’humour assez particulier dont il fallait se méfier. Je me trouvais dans une situation délicate ; il savait que j’en étais conscient et s’en délectait.
    Du coin de l’œil, je l’aperçus faire subrepticement signe à la foule de se reculer. Dans l’instant qui suivit, nous nous trouvâmes au centre d’un espace vide. J’en conclus qu’il avait l’intention de m’interroger en privé, ou presque.
    Je m’efforçai d’entrer dans son jeu.
    — Je suis certain que Pétra dispose d’autres moyens sûrs de disposer des gêneurs !
    — Oh ! bien sûr ! On peut t’exposer sur une roche plate en plein soleil, à la disposition des oiseaux.
    D’après le ton de sa voix, on devinait qu’il serait ravi d’en donner l’ordre. Ce dont j’avais toujours rêvé : rôtir au soleil et me faire dévorer encore vivant par une bande de vautours.
    — Ça m’a l’air idéal pour quelqu’un comme moi qui aime les sensations fortes. Mais qu’est-ce qu’on t’a raconté sur moi ?
    — Que tu es un espion, naturellement, répondit-il en affectant encore une fois de plaisanter.
    En tout cas, je me sentis obligé de sourire largement comme s’il s’agissait d’une bonne blague.
    — Et tu l’as cru ? insistai-je.
    — Est-ce que je devrais ?
    Il tenait à se donner l’apparence de quelqu’un d’ouvert et de franc. Un homme habile. Ni vaniteux ni corrompu, il n’offrait aucune prise à l’adversaire.
    — Oh ! je crois bien que oui, dis-je à mon tour sur le ton de la plaisanterie, pour utiliser sa propre tactique. Rome a un nouvel empereur – un empereur efficace, pour une fois. Et Vespasien procède à une espèce d’inventaire. Il veut que les informations dont il dispose sur les territoires bordant les siens soient vérifiées et mises à jour. Tu t’attendais bien à recevoir des visiteurs, non ?
    Nous fixâmes le cadavre. Il méritait davantage de considération. Une banale dispute qui avait mal tourné – c’est du moins ce que je supposais – avait fait de lui le simple prétexte de cette discussion de haut vol sur les événements du monde. J’ignorais qui il était, mais il s’était glissé en travers de ma mission, et son sort se retrouvait soudain lié au mien.
    — Quel genre d’intérêt Vespasien porte-t-il à Pétra ? demanda Le Frère.
    Dans son visage impassible, ses yeux réduits à deux fentes continuaient de garder tous leurs secrets. Un homme aussi astucieux n’ignorait pas quel genre d’intérêt Rome pouvait porter à une riche nation qui contrôlait d’importantes routes commerciales proches de ses frontières.
    Je peux discuter politique avec autant de passion que n’importe quel badaud qui vient tuer le temps au Forum en attendant l’heure de dîner, mais je n’avais pas envie de présumer des visées de l’Empire dans une cité étrangère. Encore moins quand personne, dans l’enceinte impériale du Palatin, n’avait jugé bon de me renseigner sur la politique étrangère mise en œuvre – surtout que je savais l’empereur particulièrement susceptible sur le sujet et que j’étais conscient que mes propos lui parviendraient tôt ou tard. Je tentai de m’en tirer par une pirouette.
    — Je ne saurais te répondre. Je ne suis qu’un humble glaneur de renseignements.
    — Pas si humble, j’en suis sûr !
    Sa phrase sonnait bien, en grec ; mais dans sa bouche, c’était loin d’être un compliment. Il était capable de se montrer méprisant sans changer d’expression.
    Le Frère croisa les bras et observa de nouveau le cadavre de l’inconnu qui gisait à nos pieds. Ses vêtements avaient laissé échapper de l’eau qui s’était infiltrée dans les pavés. Chaque fibre, à l’intérieur de ce corps mort, était en train de refroidir. Des mouches n’allaient pas tarder à venir en reconnaissance pour y pondre leurs œufs.
    — Quelle est ta qualité ? Tu as beaucoup de possessions ?
    — Ma maison est pauvre, répondis-je.
    Avant d’avoir terminé ma phrase, je me rappelai un passage qu’Helena m’avait lu, dans lequel un historien précisait que les Nabatéens attachaient une grande importance à l’acquisition de nombreuses possessions matérielles. Pour tenter de faire passer ma première remarque sur le compte de la modestie, je me dépêchai

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