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Dernier acte à Palmyre

Dernier acte à Palmyre

Titel: Dernier acte à Palmyre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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talent de Grumio pour les lancer.
    Finalement, une à une, il remplaça les balles par un assortiment d’objets hétéroclites : un os, un anneau, une coupe, un chasse-mouches. Il ne garda qu’une seule balle. C’était devenu beaucoup plus difficile, et j’en conclus que mon rôle était terminé. Mais soudain, Grumio se plia en deux et parvint à se saisir en un éclair du poignard que j’avais dissimulé dans ma botte. Jupiter seul savait comment il avait pu le repérer. C’était apparemment un fin observateur.
    Tous les spectateurs parurent retenir leur respiration. Par malheur, le fourreau était resté coincé dans ma botte et il brandissait la lame nue.
    — Grumio !
    Il fit comme s’il n’avait pas entendu. La foule était consciente du danger. Je vis la lame briller quand il lança le poignard en l’air. Puis il recommença à me jeter des objets de temps à autre. Les spectateurs, complètement silencieux, regardaient la scène, légèrement penchés en avant. J’étais effrayé à la pensée que Grumio risquait de se couper une main, tandis que le public attendait avec impatience qu’il me jette la dague.
    Je parvins à attraper et à relancer l’anneau, puis la coupe. Je m’attendais maintenant à recevoir l’os ou le chasse-mouches et espérais que Grumio mettrait ensuite gracieusement un terme à l’expérience. Je me concentrais tellement que j’étais ruisselant de sueur.
    Quelque chose attira mon regard au-delà de la foule qui nous entourait.
    Pas un mouvement. Le dos raide, elle se tenait complètement immobile derrière l’assistance. Une grande fille aux cheveux sombres, enveloppée dans une souple tunique bleue : Helena. Son visage exprimait un mélange de colère et de terreur.
    Quand je l’aperçus, tout mon courage m’abandonna. Je n’aimais pas qu’elle me vît dans cette position dangereuse et ridicule. Je tentai de prévenir Grumio. Ses yeux rencontrèrent les miens. Leur expression était absolument malveillante, totalement amorale. Le chasse-mouches parut flotter en l’air, la balle s’éleva à son tour. Puis, il lança le poignard.

28
    Je l’attrapai. Par le manche, bien sûr.

29
    Pourquoi être surpris ?
    Quiconque a passé cinq ans dans la légion, enfermé dans une forteresse humide à l’ouest de l’île Bretagne, s’est entraîné à lancer le poignard. Il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire. Pratiquement pas de femmes, et les rares qui se trouvaient là ne pensaient qu’à épouser des centurions. Après une centaine de nuits passées à pratiquer la même stratégie, on se lassait de jouer au jeu de dames. Alors on se lavait, puis on mangeait et on buvait. Certains forniquaient entre eux. On criait des insultes dans le brouillard, au cas où des homoncules bretons auraient cherché à nous écouter. Puis, naturellement, étant des jeunes gens stationnés à mille milles de leurs mères, on essayait de s’entre-tuer avec des lancers de poignards.
    J’ai donc appris à attraper les poignards. En Bretagne, attraper un poignard qu’on me lançait alors que je venais tout juste de tourner le dos était devenu ma spécialité. Et à vingt ans, j’y parvenais même mieux quand j’étais ivre mort. Ou quand je pensais à une fille.
    Et j’étais précisément en train de penser à une fille.
     
    Je remis posément mon poignard dans ma botte après avoir pris la précaution de l’enfiler dans son fourreau. La foule me faisait un triomphe. J’apercevais encore Helena qui n’avait toujours pas bougé. Je voyais aussi Musa faire des efforts désespérés pour la rejoindre en se faufilant parmi les spectateurs.
    Grumio paniquait, visiblement.
    — Désolé, Marcus ! Je voulais te jeter l’os. Tu m’as troublé quand tu as bougé…
    C’était donc ma faute, hein ? ! Il me prenait vraiment pour un idiot. Je continuai de l’observer attentivement. Il saluait bien bas pour remercier l’assistance de ses applaudissements nourris. Quand il se redressa, son regard s’était voilé et il paraissait à bout de souffle, comme un homme qui vient de subir un grand choc.
    — Par tous les dieux, tu ne vas tout de même pas croire que j’essayais de te tuer !
    — Il ne s’est rien passé, dis-je calmement.
    Et en effet, je crois que j’étais calme.
    — Tu veux bien passer le chapeau pour moi ? demanda-t-il en me le tendant.
    Il s’agissait d’un bonnet phrygien en laine qui, quand vous le coiffez, vous donne l’impression de vous être

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