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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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hommes. Mon camarade Felipe, l’Espagnol, souhaiterait que toutes les nationalités aient leur représentant dans le groupe central. C’est juste, en principe. Mais les conditions particulières du camp, l’insuffisance de nos moyens et les difficultés pour se réunir, ne nous paraissent pas permettre encore une forme d’organisation plus large.
    — Les cadres de tout ce réseau sont en place. Il reste à activer la machine. À ce jour, notre influence est encore faible et commence seulement à se faire sentir. Nous avons à agir sur une masse d’hommes de tous les pays et de tous les milieux sociaux dont le nombre s’élève maintenant à plus de six mille.
    Ma nouvelle occupation me permet de consacrer à cette tâche exaltante la plus grande partie de mon temps.
    — Le père Henri. Dans le civil, maître-bottier. Ici, un cordonnier. L’artisan est resté l’artisan. L’homme simple est resté l’homme simple. Le brave homme est resté un brave homme, mais dans un camp de concentration, un brave homme est une exception. Le père Henri est cette exception.
    — Le père Henri répare les chaussures des soldats qui nous gardent. Il tire de son travail quelques petits avantages sous forme de nourriture et de cigarettes. Il donne tout. Quand il n’a plus rien à donner, il donne son pain. Il donne sa soupe. Il ne se soucie pas de ce qu’il mangera lui-même. Il oublie sa faim devant la faim des autres. Il oublie ses misères devant les miséreux. Il fait le bien, sans calcul, simplement comme il respire.
    — Le père Henri emploie toutes ses heures de liberté à raccommoder en cachette les galoches de ceux qui risquent d’aller pieds nus. Le soir, il passe dans les blocks et fait son inspection. Il ne peut supporter la vue des hommes qui vont les pieds mouillés, mais ses galoches à lui prennent toujours l’eau. Quand ses amis le mettent dans l’obligation de se chausser convenablement, il donne ses souliers neufs en échange de la vieille paire, découverte aux pieds d’un malheureux partant pour le Steinbruck.
    — Le père Henri est un honnête homme, il n’a jamais rien pris à personne. Mais ici, il prend aux S.S. tout ce qu’on peut leur prendre, des clous, du cuir, de la toile. Il risque la corde tous les jours, naturellement. Pour les Français.
    — Le père Henri n’a pas d’ennemis. Il ne demande pas à un homme ce qu’il fut, ce qu’il est, ce qu’il pense. Il se place au service de tous les hommes. Même de ceux qui n’en valent pas la peine.
    — Le père Henri est respecté de tous, même par les bandits. Il pénètre partout, à la Schreibstube, au Revier, dans les ateliers. Il est le seul parmi nous qui peut approcher Magnus, parler à Lorenz. Chaque fois qu’il le fait, c’est pour arracher la vie d’un homme.
    — J’ai vu le père Henri donner sa chemise.
    — Le père Henri a soixante-quatre ans, une figure d’apôtre.
    — Chapeau !
    *
    * *
    — J’ai xciii dû arriver à Ebensee vers le 20-22 avril 1945. Je fus affecté au sinistre block n° 7, commandé par les assassins polonais où grâce à C… j’ai obtenu la paix. Rapidement, je réussis à m’incorporer à l’équipe des camarades que j’avais à Melk et, avec eux, je suis allé travailler aux tunnels. En même temps, je trouvai une place dans leur block.
    — Le travail à Ebensee ? L’ordre nous était donné de charger, au fond d’un tunnel, long de plusieurs centaines de mètres, les décombres provoqués par l’explosion de mines. Travail pénible, dans l’eau tombant des voûtes, la boue et la poussière des explosions. Les décombres étaient faits de morceaux de roches de toutes les tailles, qu’il fallait soulever pour les placer dans les bennes, en piétinant dans une boue presque liquide.
    — Aussi, en moins de quarante-huit heures, nous avons trouvé la méthode pour ne rien faire. Les wagonnets étaient tous déraillés et enchevêtrés, et il y avait des courts-circuits provoqués, plongeant les tunnels dans le noir absolu et empêchant de procéder au relèvement des wagonnets. Puis un autre travail nous fut demandé dans une partie moins profonde du tunnel, où les parois étaient déjà prêtes à recevoir un revêtement de béton. Il s’agissait de monter le long des parois des murettes faites de grosses pierres empilées les unes sur les autres. À l’arrivée au travail, un trait était tracé sur le rocher, indiquant la hauteur que nous devions atteindre

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