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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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combat pour la vie où nous étions engagés à fond, ne s’embarrassaient pas de sentiments inutiles.
    — Le crématoire permettait d’incinérer quatre corps à la fois. Comme chaque fournée demandait environ une heure, on pouvait, en travaillant sans relâche, se débarrasser d’une centaine de cadavres par jour.
    — Ce rendement était largement suffisant en temps normal ; mais la situation devint critique dès que prit fin la saison tempérée qui assurait un état sanitaire moyen. Elle devint réellement tragique lorsque l’avance russe obligea les Allemands à évacuer vers le Tyrol, dernier rempart de leur résistance, les milliers de déportés qui peuplaient les camps de concentration de la Pologne et de la Prusse orientale. L’abandon de Breslau, en particulier, fit refluer, sur Mauthausen et Ebensee, des convois très importants qui nous arrivèrent dans un état de délabrement dépassant toute imagination. Ces pauvres gens avaient voyagé des semaines entières, encaqués dans des wagons non couverts, par une température sibérienne et sans ravitaillement d’aucune sorte. À l’arrivée, on trouva plusieurs centaines de cadavres emportés par la faim et le froid, et sur lesquels on rencontra des marques d’anthropophagie ! Un convoi de Juifs, qui parvint à Ebensee peu après Noël et qui était cruellement décimé, fut abandonné toute une nuit, dans la neige, par une température de moins 12°. Le lendemain, plus de trois cents d’entre eux étaient étendus, dormant de leur dernier sommeil, et les infirmiers du Revier passèrent plusieurs heures à les déshabiller et à les transporter au crématoire.
    — Celui-ci, calculé comme je l’ai dit plus haut pour absorber environ cent corps chaque jour, soit trois mille par mois, c’est-à-dire près du quart de l’effectif total du camp, s’avéra insuffisant. Les morts s’entassaient dans une baraque en planches voisine de notre block, et nous assistions toute la journée au chargement et au déchargement de ces pauvres corps desséchés et dont les bras mous s’obstinaient à se dégager des ridelles de la carriole et se balançaient avec des gestes de menace.
    — Il fallut ouvrir d’urgence une fosse commune, pour éviter les miasmes et les dangers d’épidémie. Quatre immenses tranchées, creusées à la hâte et à peu près dépourvues de désinfectants, livreront un jour leurs secrets et permettront de donner des chiffres, des moyennes, des pourcentages dont on peut pressentir l’éloquence tragique. Mais ce qu’elles ne diront pas, ce sont les cruautés, les coups, les privations dégradantes, en un mot tout le cortège des inventions diaboliques qui ont présidé à ces hécatombes.
    — Les Meister autrichiens, avec qui je m’entretenais quelquefois, me reprochaient de faire du sentiment : ils étaient convaincus que la pitié est un complexe inférieur, inventé par les faibles et indigne d’un peuple évolué, conscient de ses destinées et de sa haute mission…
    — Dans xcv les premiers jours de notre séjour dans ce nouveau camp, nous avons été embauchés au forage d’un tunnel destiné à devenir une usine souterraine pour la fabrication des V.1 et V.2. Il devait y avoir quatre tunnels très profonds, sous la montagne, reliés entre eux par des galeries transversales ; un de ces tunnels était terminé. Il avait reçu des machines perfectionnées et commençait avec un personnel civil (dont les S.T.O. de toutes nationalités) à fonctionner. J’étais employé avec trois un quatre autres à pousser, vers la sortie d’un de ces tunnels en cours de forage, un wagonnet de pierrailles. Au passage, un kapo me harponne avec un camarade et nous attelle à une « träge » (espèce de civière portée par deux hommes), sur laquelle était une caissette d’une cinquantaine de kilos, contenant des petits rivets métalliques, et nous donne l’ordre de porter ce chargement dans le tunnel n° 1 où l’usinage avait commencé. Je ne connaissais que de vue l’autre porteur, ancien de Melk lui aussi, un de ces sympathiques et malheureux prisonniers russes. Une fois dans le tunnel où nous avançons à toute petite allure, nous posons la träge par terre ne sachant où aller. C’est alors que le camarade me donne un clin d’œil épanoui, puis prend dans la caisse une poignée de rivets qu’il jette dans les engrenages d’une machine. Nous recommençons quelques mètres plus loin à la machine

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