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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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nouvelles étaient excellentes, bref, c’était presque le bon temps.
    — Puis on démonta une partie de ce qui avait été aménagé pour installer l’usine souterraine de Mödling. Une quarantaine de machines-outils furent sorties des caves, chargées sur camion et partirent vers leur nouvelle destination…
    — Un beau jour, je me suis retrouvé à Mödling, toujours traceur, dans une équipe effectuant toutes les opérations au tour, à la fraiseuse, à la raboteuse, à la machine à rectifier, à la perceuse aussi bien qu’à l’étau, à la table de soudure autogène ou au poste de soudure électrique. Avec deux Polonais, je dois désormais tracer le travail pour tous ces corps de métier. Mes deux compagnons sont l’un un jeune étudiant de Varsovie, assez sans gêne mais pas désagréable, nous luttons à qui en fera le moins ; l’autre, un homme de quarante-cinq ans, de la région de Katowice, communiste convaincu. Il a obtenu d’être nommé notre chef au marbre et il travaille de tout son cœur. Plusieurs fois, il a voulu rédiger un « Meldung » contre nous pour signaler notre paresse : il a fallu menacer de lui casser la gueule… Je ne comprends pas sa mentalité.
    — Les semaines de jour, il faut se méfier car il y a trois ou quatre ingénieurs, de nombreux civils et la police spéciale dans l’usine, rôdant partout et gueulant sans cesse. Les S.S. viennent nombreux aussi et puis il y a l’Oberkapo Waldemar, ignoble individu rouquin. Mais les nuits, par contre, sont devenues presque intéressantes, au moins à mon kommando dirigé par l’Espagnol Chiatto. Nous en passons, le jeune Polonais et moi, chacun la moitié à dormir dans un placard, à côté du marbre ; on y est mal mais cela repose quand même un peu. Si nous sommes pris un jour, cela coûtera très cher, tant pis !
    — Notre travée, la nuit, offre un spectacle curieux : presque tous les civils allemands sont assoupis, les machines tournent à vide et leur ronronnement endort leurs servants ; quelques tours toutefois travaillant âprement, on s’approche, c’est un cendrier ou une bague en fabrication. Chez les ajusteurs, on discute ferme, quelques-uns liment avec application. Ils fabriquent un briquet ou un fume-cigarettes. Les soudeurs n’allument guère leurs chalumeaux que pour cuire les pommes de terre que les uns ou les autres ont réussi à se procurer et à descendre à la fabrique, c’est plein de péril ce petit jeu mais il faut bien vivre. À l’entrée de la galerie, une vigie signale les arrivées dangereuses ; kapos, civils inconnus, parfois un ingénieur ou un S.S. Tout le monde reprend aussitôt des attitudes d’ouvriers modèles. C’est le grand Reich au travail, on sent nettement que quelque chose est détraqué dans la formidable machine, le ressort n’y est plus, c’est très net la nuit.
    — Ce bricolage individuel, en marge du travail officiel, nous l’appelons « la perruque ». Il y a longtemps que cela dure. Dès notre arrivée à Schwechat : fabrication de couteaux, de plaques d’identité élégantes, de petits médaillons gravés… Mais que de camarades, pris sur le fait, ont payé cher ! Gaspillage de matière, perte de temps, c’est du sabotage avec les conséquences désagréables que ce mot comporte pour la victime. À Floridsdorff et ici, cela s’est beaucoup développé, mais ce n’est toujours pas sans danger.
    — Il y a quelques jours, l’Obermeister Kath, chef suprême des machines-outils avait confié à un petit Russe très adroit, de l’équipe d’entretien, une montre à réparer. C’était pendant la journée. Le gosse travaillait consciencieusement sans se méfier puisque cela lui avait été ordonné. Le Lagerführer arrivant en inspection l’a vu. Il est entré dans une fureur indescriptible et l’a cinglé de sa cravache. Le « coupable » lui a expliqué en vain qu’il avait reçu un ordre de l’Obermeister. Celui-ci, gros porc, assistait à la scène mais ne soufflait pas mot ; il a laissé le S.S. rouer de coups le Russe et lui lancer son chien après. À la fin de la séance, le pauvre gamin était en sang, à demi mort. Le soir, en rentrant au camp, il a été appelé pour recevoir une nouvelle correction, on ne l’a jamais revu et Kath n’a toujours rien dit. Quelle lâcheté chez ces Boches si arrogants !…
    — Nous travaillons, depuis notre installation ici, au mois d’octobre 1944, à la mise au point et à la

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