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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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les projecteurs, les obus traceurs… Moins drôle fut le sifflement des bombes à proximité. Cela dura un certain temps, puis tout se calma. En somme, un bombardement pas terrible, loin de là, mais bien désagréable, la nuit lorsque l’on est ainsi enfermé quelques centaines dans un local de 150 mètres carrés. Pourquoi le nier, nous avions peur.
    — Ah ! ces nuits en camp de concentration, elles restent pour ceux qui y sont passés comme autant de cauchemars. Lorsque des bêtes, dans une étable, se trouvent trop à l’étroit, les épidémies arrivent, le troupeau est décimé. L’homme, de toutes les espèces vivantes, est la plus résistante parce qu’il possède la volonté. Mais que ces nuits, qui auraient dû être des moments de détente et de repos, usaient donc le système nerveux déjà si éprouvé par ailleurs ! Et que dire aussi de ce mélange, de cette promiscuité effarante de centaines d’êtres, remplis de vermine et de pus, atteints de dysenterie, de tuberculose, certains de syphilis, dormant bouche à bouche, abrités du froid par des couvertures souillées de mille façons. Quel effroyable foyer de contagion ! Que de morts tout cela a-t-il occasionnées ? Et comment juger un parti, comment juger un peuple qui traite ainsi ses adversaires battus !
    — À Schwechat, où le camp était prévu depuis longtemps, il n’y eut des douches qu’après cinq mois de séjour. La première distribution de savon eut lieu à la fin de décembre 1943, alors que nous étions arrivés le 13 septembre. Auparavant, il fallait se contenter d’un peu de terre et d’eau glacée. Celle-ci, même, manquait souvent ; à Mödling, il n’y en avait pas un jour sur trois. Le linge de corps, gardé nuit et jour, ne fut changé, en 1943, qu’après onze semaines. Et, par la suite, ce fut pis ; à Mödling, je reçus un caleçon le 25 novembre 1944, déchiré d’ailleurs ; je ne pus le quitter que le 7 avril 1945, en arrivant à Mauthausen ; la chemise que j’avais ce jour-là était sur mon dos depuis plus de trois mois. Il fallait les laver soi-même, me dira-t-on !… Oui, évidemment, mais comment ? Douze heures d’usine par jour : impossible. Deux à trois heures d’appels et de rassemblements : impossible. Deux bonnes heures de distributions, corvées… Impossible. Et pendant le sommeil, on ne pouvait pas rester entièrement nu dans ces couvertures infectes. Où faire sécher de plus ? C’était interdit. Alors quand même, à la fabrique, pendant la nuit, on réussissait parfois à faire bouillir le linge dans un seau muni d’un plongeur électrique fabriqué avec des moyens de fortune et branché sur la prise de courant d’un tour ou d’une fraiseuse. Cela tuait toujours poux et lentes. On faisait ensuite sécher comme on pouvait devant un ventilateur ou auprès d’un four électrique. Se faire prendre coûtait au moins vingt-cinq coups de nerf de bœuf. Est-ce de l’hygiène, cela ?
    — Dans ces conditions, comment la vermine n’aurait-elle pas, rapidement, fait son apparition. Au kommando Heinkel, cela coïncida avec l’arrivée du premier convoi d’italiens venant de Dachau. On ne s’en débarrassa plus.
    — Il y avait bien encore, de temps à autre, des contrôles de poux, mais ils n’avaient aucune efficacité. La lutte acharnée de chacun contre les parasites en avait davantage. Deux fois, trois fois par jour, on se déshabillait, on cherchait et on tuait les répugnantes petites bêtes. On n’arrivait pas, malgré tout, à arrêter l’invasion. Les grandes désinfections n’obtinrent pas plus de succès.
    — Celles-ci étaient, en général, demandées par les civils de l’usine qui commençaient à se gratter. Nous en subîmes cinq à Schwechat dont trois en plein hiver, une à Floridsdorff et quelques autres à Mödling. Les trois premières furent atroces et, si elles tuèrent des poux, elles causèrent certainement la mort de très nombreux camarades. Je voudrais tenter de décrire la troisième, celle de mars 1944.
    — C’était un samedi matin, nous revenions du travail de nuit. Au lieu de nous coucher comme à l’ordinaire, nous reçûmes l’ordre de nous déshabiller et de constituer des paquets de nos bardes, munis d’étiquettes portant nos numéros. Entièrement nus, dans le block 4 glacé, nous pûmes nous allonger sur les lits, deux par deux, avec une couverture car des hommes de corvée rassemblaient les vêtements et les

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