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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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de terrassement urgent. Ceci arrive une moyenne de deux fois par semaine. Nos bourreaux estiment que douze heures d’usine, la nuit, avec un litre de mauvaise soupe – les cuisines du camp fonctionnent maintenant – et 450 à 500 grammes de pain ne suffisent pas à employer nos forces.
    — Nous travaillons presque tous le moins possible, mais contremaîtres et kapos sont toujours sur notre dos, il faut avoir l’air affairé et c’est souvent presque aussi fatigant. Il y a aussi, et c’est bien le comble, quelques rares détenus qui prennent leur tâche au sérieux. Pas de Français, mais il en existe chez les Polonais et quelques-uns chez les Russes, tel ce gros porc d’Ivan, sorte de gorille hideux qui est en bons termes avec tous les caïds, les S.S. et les contremaîtres et, de ce fait, touche officiellement deux rations alimentaires qui ne lui suffisent pas d’ailleurs puisqu’il mange 6 à 7 litres de soupe par jour, sans compter le reste. Le plus triste, c’est que ce répugnant personnage possède une très haute autorité sur ses compatriotes et les force au travail. À l’entendre, c’est un ancien du parti communiste en U.R.S.S. Il ne tarit pas de louanges sur son régime, est le premier à chanter les hymnes des partisans… Je n’arrive pas à comprendre.
    — Ces pauvres individus permettent aux contremaîtres une comparaison fâcheuse avec les autres ouvriers ; ils poussent même parfois la veulerie jusqu’à venir se plaindre au « Meister » de la lenteur du travail de l’un ou de l’autre. Personnellement, je peux retarder l’exécution de certaines pièces en ne les traçant pas, et je ne m’en prive pas. Plusieurs fois, il m’est arrivé ainsi de bloquer deux ou trois établis d’ajusteurs pendant plusieurs heures. Pour parer le danger d’une accusation de sabotage, fort grave, je m’absorbe sur une pièce compliquée qui ne presse nullement, fais d’impressionnants montages, étale des plans… Eh bien ! j’ai vu, à différentes reprises, Ivan surtout aller raconter à l’« Obermeister », l’ignoble Hoffmann, que tous ses camarades et lui ne pouvaient travailler parce que je refusais de préparer leur tâche. Cela me valut plus d’un coup de gueule.
    — Pour nous, Français, nous nous redisons à chaque instant : « travailler, c’est agir contre notre pays, c’est lutter contre nos frères, c’est nuire à nous-mêmes en dépensant nos forces et en allant contre notre libération », ou bien encore, en riant : « Le travail c’est la santé, moins on en fait, mieux on se porte. » Cet état d’esprit exaspère nos contremaîtres, d’autant plus que les ouvriers français sont, en général, les plus adroits. La plupart de mes camarades sont beaucoup plus forts que leurs chefs, ceux-ci ne savent comment s’y prendre pour en obtenir du rendement. Qu’ils se tranquillisent, ils n’y arriveront jamais !
    — Le travail sérieux au « Musterbau » a pratiquement cessé le 26 juin 1944, jour de la destruction de l’usine de Schwechat. Depuis, que ce soit à Floridsdorff ou ici, à Mödling, on ne fait presque plus rien. Les matières premières deviennent, de jour en jour, plus rares, certains civils sont découragés et si ingénieurs, Obermeister et quelques Meister poussent encore tant qu’ils peuvent, la grève perlée est de mieux en mieux organisée malgré le mélange de nationalités.
    — À Floridsdorff, on a installé l’outillage sorti des décombres de Schwechat. Il a fallu le réparer. Tout cela se passait au milieu d’un grand désordre, les cadres de l’usine étant débordés. Des journées entières, je faisais la conversation à l’établi où étaient censés travailler Tison, Edgard Chauvin, Paul Beilvert, le grand Michel et quelques autres. Nous tenions chacun une mine à la main, devant un étau contenant une équerre avariée à rectifier. La surveillance, rendue difficile par le grand nombre de travées dans les caves et par le trafic du déchargement des machines au milieu de la cour, nous permettait de rester des heures et des heures sans effectuer la moindre chose.
    — Les uns après les autres, nous « montions en surface » prendre l’air et le soleil. Nous apercevions quelques civils dans les maisons environnantes ou circulant dans la rue voisine. C’était l’été, la nourriture avait été améliorée au cours de ces quelques mois à la suite d’ordres impératifs venus d’en haut xxiv , les

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