Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
couvertures inutilisées pour les charger sur des camions les conduisant à une étuve de Vienne.
    — Pendant ce temps, les équipes de jour étaient à la fabrique et le block 1 soigneusement clos était gazé. Vers midi, on nous servit la soupe ; ce fut un beau désordre. Ces longues heures d’attente dans le froid étaient employées au rasage de toutes les parties cachées du corps. Dehors, il neigeait et un vent glacial soufflait.
    — Au milieu de l’après-midi, nous fûmes dirigés sur les douches. Complètement nus, porteurs simplement de nos « claquettes », la gamelle et la cuiller à la main, il fallut traverser toute la cour dans ce froid terrible, sous la neige, attendre quelques minutes devant le bâtiment et entrer un par un dans la salle surchauffée.
    — La douche coula longuement. L’eau, brûlante, dégourdissait les membres, une profonde sensation de bien-être pénétrait en nous… Sans pouvoir nous essuyer, nous fûmes brutalement jetés dehors. La transition fut terrible et plusieurs camarades tombèrent. Courant de toutes nos forces pour éviter un refroidissement, nous dûmes encore traverser la cour pour aller, cette fois, au block 1. Celui-ci ayant été gazé au cours de la matinée, portes et fenêtres devaient y rester ouvertes pour rendre l’atmosphère respirable. On resta là, allongés sur les lits, serrés les uns contre les autres, plusieurs heures sans couverture. Celles-ci devaient, tout d’abord, revenir de Vienne.
    — Cinq ou six fois par heure, une nouvelle fournée de corps nus et trempés arrivait ainsi, et cela dura jusqu’à neuf heures du soir, après la désinfection de tous les camarades qui travaillaient.
    — Tout l’effectif du camp massé dans ce block unique dont les fenêtres avaient été fermées à la nuit, l’air se fit rare et la température monta rapidement. Sur chaque couchette se tenaient cinq ou six hommes recroquevillés, se demandant quand finirait le supplice. Le pain était là, au bout de la baraque, mais dans ce désordre, il fut jugé impossible de le distribuer et il fut renvoyé.
    — Vers 11 heures du soir, les paquets de vêtements commencèrent à revenir, encore tout chauds de l’étuve ; sentant la vieille lessive crasseuse. Les numéros étaient appelés, colis par colis, et répétés, mais un homme sur cinq tout au plus entendait au milieu de cette cohue de plus de deux mille êtres rassemblés dans ce seul bâtiment.
    — Le lendemain à 5 heures, cela durait toujours, à peine plus d’un tiers des détenus étaient habillés et douze cadavres déjà gisaient sur les paillasses.
    — Les gens équipés – j’étais heureusement du nombre avec Albert Lespinasse – sortirent pour l’appel. Aucune boisson chaude ne fut distribuée. À 6 heures, munis du morceau de pain de la veille, touché sur les rangs au départ, nous faisions notre entrée dans l’usine. L’effectif n’étant pas complet, le kapo épuisé et consentant, malgré les vociférations de l’Obermeister Hoffmann et des civils, nous nous mîmes le dos au radiateur (l’usine était chauffée) pour manger et discuter. De guerre lasse, les contremaîtres se retirèrent dans leur bureau.
    — Pour nous, la mauvaise aventure était terminée mais pas pour nos pauvres camarades restés nus au block. Aussitôt après notre départ à l’usine, jugeant que la distribution des vêtements n’allait pas assez vite, le Rapportführer ordonna à chacun de prendre une petite couverture sur le dos et tout le monde fut rassemblé dehors sous la neige et le vent. Certains restèrent ainsi plus de deux heures avant de pouvoir s’habiller et ils ne reçurent le pain qu’après la fin de la distribution des effets.
    — Le soir de ce sombre dimanche, une vingtaine de cadavres s’ajoutaient aux douze de la nuit. La semaine qui suivit, cinquante-deux déportés moururent et nul ne sut jamais combien prirent ce jour-là le mal qui devait les emporter.
    — Six semaines plus tard, on ne pouvait pas enlever sa chemise une fois sans y tuer vingt poux en quelques minutes. Comment se fait-il que nous ayons, au kommando, et en avril 1945 à Mauthausen, échappé aux effroyables épidémies de typhus qui ravagèrent certains camps, je me le demande. Cette calamité nous fut épargnée, sinon combien seraient rentrés parmi le faible pourcentage rescapé de ce camp de la mort ?
    *
    * *
    — Le commerce est vieux comme le monde. Du jour où plusieurs

Weitere Kostenlose Bücher