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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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bâtiments…
    — Le xxxvii capitaine S.S. parle en allemand et des interprètes le traduisent en polonais, russe, français. Voici, autant qu’il m’en souvient, ses paroles hurlées, ponctuées de gestes rudes.
    — « Vous êtes venus ici pour travailler. Toute autre considération disparaît devant celle-là. Celui qui ne travaillera pas ne mangera pas. Celui qui sera trop malade ou trop longtemps malade s’en ira (?). Si vous bougez, je vous donnerai à manger à mes chiens comme chair vivante et ce n’est pas un vain mot. Les kapos vous montreront ce que vous avez à faire. N’oubliez jamais que j’ai sur vous le droit de vie et de mort puisqu’ici vous êtes des morts pour le reste du monde. Je veux que vous soyez propres et si vous n’êtes pas propres, vous mourrez. Si vous êtes convenables, je serai convenable. L’Allemagne ne vous a pas mis à mort alors qu’elle pouvait le faire. Vous devez travailler pour l’aider à gagner la guerre. J’y veillerai. »
    — Au moins, savons-nous à quoi nous en tenir.
    — Enfin xxxviii on nous conduit à nos blocks. Le camp est déjà occupé par des déportés d’un convoi antérieur. C’est l’heure de la soupe et nos prédécesseurs se pressent pour nous voir passer tandis que quelques chefs de block, la trique à la main, donnent la chasse à ces curieux. Je remarque que leur état de maigreur ne le cède en rien au nôtre, remarque plutôt affligeante en ce qui concerne le régime alimentaire du camp. On nous répartit par petits groupes dans les blocks. Ceux-ci se différencient de ceux de Mauthausen en ce qu’ils ne comportent ni lavabos ni w.-c. à l’intérieur et, chose capitale, en ce que les stube y sont garnies de couchettes et de paillasses. Ils sont généralement divisés en sept pièces dont chacune ouvre directement sur l’extérieur. La vue des couchettes et des paillasses nous remplit d’aise. Malheureusement, la répartition me sépare, une fois de plus, de mes amis du Réseau. Fred et Louis vont gîter dans un autre block et Paul, bien qu’affecté au mien, occupe une stube à l’autre bout du baraquement. Je me trouve être le seul Français dans ma chambrée composée de Polonais, Yougoslaves et quelques Russes. Un Allemand de droit commun occupe, bien entendu, le poste de chef de chambrée et deux de ses compatriotes lui servent d’acolytes. Les présentations sont rapidement faites : une bourrade par-ci, un coup de pied par-là, et nous voici installés. Par chance, nous arrivons juste à temps pour bénéficier de la soupe ; elle est la bienvenue, car depuis vingt-quatre heures nous n’avons rien absorbé. La soupe est le sempiternel breuvage aux rutabagas. C’est le chef de block qui la distribue avec force coups et horions. De petite taille, trapu et agile, Max (c’est le nom de l’individu) se pose du premier coup en virtuose dans l’art de maltraiter ses semblables. Jadis il fut, paraît-il, boxeur, mais eut le tort d’adjoindre l’attaque nocturne à cette spécialité, et cette exagération de ses dons professionnels lui valut une condamnation à la détention perpétuelle. Transféré pendant la guerre dans un camp de concentration, il était tout désigné pour devenir un caïd. Sa cruauté lui ayant conquis la bienveillance des S.S., il en profitait pour « organiser » avec un tel entrain qu’il dépassa la mesure. Compromis dans une « organisation » commise au préjudice de ses amis les S.S., il finit sa carrière au camp au bout d’une corde, pour la plus grande satisfaction de tous les déportés qu’il tenait sous sa coupe.
    — Notre premier contact avec la vie du camp fut, sur l’ordre du chef de chambrée, un sérieux lavage de la stube, qui n’en avait d’ailleurs nullement besoin. Ce lavage tenait donc plus de la brimade que du travail utile, mais nous n’en étions plus à une brimade près. À 17 h 45, appel. Afin de nous inspirer une conception sérieuse de la discipline du camp, le chef de block nous fait recommencer une douzaine de fois le mouvement « Mützen Ab ! » jusqu’à ce qu’on n’entende plus qu’un seul claquement au moment où le béret vient frapper la jambe droite du pantalon. Ici les tenues sont uniformes ; tout le monde porte le costume rayé, mais la pègre allemande se distingue du vulgaire par le port d’une casquette noire au lieu du béret réglementaire. Après l’appel, distribution des portions de pain et de pâté végétal (une

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