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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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ne pus l’approcher. Puis, le 14 janvier, il fut évacué sur Mauthausen avec les soixante malades du Revier. J’étais au block 1 à ce moment car mon kommando travaillait de nuit. Je voulus aller lui dire au revoir, m’assurer qu’il partait dans de bonnes conditions. Il me fut impossible de sortir. Malgré les brutalités des Stubendienst qui voulaient me chasser, je pus seulement regarder l’embarquement à travers les planches disjointes de la grande porte.
    — Les soixante malades furent entassés dans un immense camion et dans sa remorque découverte. Il y avait bien de la paille de bois et des couvertures, mais le chemin s’étendait sur 200 kilomètres avec une température de 15 degrés au-dessous de zéro. Je sus, en avril 1945, qu’avec sa pleurésie, Edmond avait été bousculé et obligé d’effectuer le trajet à une place très inconfortable, en plein courant d’air. En arrivant à Mauthausen, il fut, selon la règle, passé aux douches dont il quitta la salle, vêtu d’une simple chemise pour parcourir à pied, dans le froid, la longue distance le séparant du Revier où l’on entassait les malades, sans les soigner, les obligeant même à d’incessantes stations dehors, les pieds dans la neige. C’est ainsi que l’on assassine des hommes. Le 4 février 1944, hélas ! Edmond n’était plus.
    — Albert était le dernier des sept enfants d’un cheminot retraité. Âgé de vingt-huit ans, beau et fort, éclatant de santé, cheminot lui-même, il habitait avec ses parents à Paray-le-Monial, un joli petit pavillon construit au milieu d’un beau jardin. Lorsqu’il parlait de sa famille, de sa maison, fruit du labeur et de la sagesse du vieux ménage, de son jardin avec ses cerisiers couverts de fleurs au printemps, il mettait dans son récit tout son cœur, toute son âme.
    — Élevé dans le culte de l’honneur, du devoir, de la conscience professionnelle, cette qualité maîtresse de notre admirable corps des chemins de fer, il avait partout et toujours été le camarade charmant, l’ouvrier modèle, le petit frère sérieux et serviable, le fils idéal. Jamais il ne s’était occupé de politique, il avait même une profonde répulsion pour toutes ces discussions souvent vaines et génératrices de désordre et de discorde au sein de la nation. Mais la patrie, elle, ce n’était pas un parti, c’était une très grande chose à laquelle Albert estimait que l’on devait tout.
    — Aussi, tout naturellement, s’était-il engagé dans une troupe de F.T.P. qui opérait en Bourgogne, fin 1942 et début 1943. Il y avait fait du bon travail mais, comme la plupart de ses camarades, cela l’avait conduit à la terrible prison de Dijon, dès février 1943, puis au fort de Romainville.
    — Le 24 août 1943, il arrivait à Sarrebrück, le 27 à Mauthausen. C’est là que je le connus.
    — Ce garçon si simple, si franc et si réservé tout à la fois, d’une délicatesse exquise, se prit aussitôt d’une vive sympathie pour moi. Me trouvant séparé d’Edmond et de Jacques, je fus heureux d’accueillir cette belle amitié qui s’offrait. Albert ne me quitta plus.
    — À Schwechat, il était adoré au kommando. Il conservait en permanence, dans sa poche, au risque de graves punitions, un rasoir qu’il avait confectionné à l’usine avec Edgard Chauvin, afin de pouvoir assurer rapidement, chaque semaine, la toilette de tous les Français. Calme, timide, un peu effacé, il rendait service à tout le monde sans bruit, discrètement.
    — Au block, il dormait près de moi et, lorsqu’il le fallait, nous partagions la couchette. Il me racontait sa vie, ses plaisirs, ses soucis, me parlait des siens, de son avenir. Il ne me cachait rien et cette confiance aveugle m’aidait à supporter les misères de chaque instant. Il aimait aussi à prier un peu, il ne se serait jamais endormi sans « en dire une petite » selon son expression.
    — Le Vendredi-Saint de 1944, nous étions entrés à l’usine pour notre dernière nuit de la semaine. Il était très gai. Il souffrait certes, mais rien ne laissait supposer un mal particulier. Il était maigre mais pas plus que les autres et avait infiniment moins de ces terribles plaies causées par l’œdème, l’avitaminose et la gale infectée dont Ducroix, Germain et moi-même, par exemple, étions couverts. Il n’avait pas non plus de furonculose comme Belvert, Pujol… Malheureusement peut-être.
    — Dans le courant de

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