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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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part, je pris une paire de galoches dont les tiges étaient bonnes mais avec des semelles de bois très usées. Elles m’allaient très bien, aussi j’entrepris de les réparer, en vissant dessous des semelles de caoutchouc arrachées à des souliers abandonnés par un civil. Ce fut assez long car je dus, en outre, avec des cales disposées entre le bois de la chaussure et le caoutchouc, rétablir l’équilibre compromis par une usure initiale très irrégulière.
    — Presque aussitôt après la soupe, nous remontions au camp, tandis que des soldats du génie disposaient des mines sous les machines de notre travée, préparant la destruction de tout l’outillage et des installations… Jean-Pierre et moi étions chaussés.
    — Au Lager, venaient d’arriver les trois cent cinquante à quatre cents camarades de Schwechat.
    — 1 er avril : jour de Pâques ! Avant l’aube nous sommes sauvagement expulsés du block. La nuit a été mauvaise. Trois par lit. L’anxiété du lendemain. La crainte de se faire voler pain et chaussures. Le frôlement discret des larrons en opération (ils ne furent jamais aussi nombreux ni audacieux). Les cris des victimes. Les batailles entre détenus…
    — Nous voilà rassemblés, ceux de Mödling, ceux de Schwechat, dans la cour trop exiguë pour tout le monde. Chacun serre son petit trésor sur son cœur. Pour Jean-Pierre et pour moi, cela consiste en un morceau de pain chacun, dans la chemise à même la peau, retenu par la ceinture du pantalon. C’est l’endroit le plus sûr. En sautoir, deux couvertures ramassées au dernier moment. Nous avons récupéré également du papier que nous plaçons sur le ventre. Cela tiendra chaud.
    — Le jour a paru. Quel contraste entre ce ciel si beau, si pur, ce soleil radieux, cette nature qui chante le retour de la vie et cette misérable horde de bagnards, hétéroclite, indisciplinée, envieuse de son sort. On échange des bonjours, des souhaits, des plaisanteries sur la partie de campagne offerte par le grand Reich pour fêter la résurrection. Hélas ! c’est un nouveau calvaire qui commence pour nous sur une route que nous jalonnerons de cadavres xxxv .
    *
    * *
    Ceux de Schwechat, Floridsdorff et Wiener-Neudorf (voir ce chapitre) n’arriveront à Mauthausen que le 7 mai.

III
WIENER-NEUDORF
    — Après xxxvi de nombreuses manœuvres en gare de Vienne, nous repartons et, à la fin de la matinée, nous débarquons à la gare de marchandises de Woedling, petite ville de la grande banlieue viennoise, à 160 kilomètres de Mauthausen. Traversant la ville, nous abordons peu après la grand-route de Vienne à Trieste, en bordure de laquelle court un tramway qui va de Vienne à Baden. Deux kilomètres plus loin, c’est Wiener-Neudorf, puis, sur la gauche de la route, une gigantesque usine, ou plutôt une cité industrielle dont beaucoup d’ateliers ne sont pas encore terminés. C’est une des nombreuses usines de l’énorme entreprise F.O.W. (Flug Motor-Ostmark-Werke), spécialisée dans la fabrication des moteurs d’avion. Bien que partiellement inachevée, l’usine qui se dresse devant nous occupe déjà trente mille ouvriers. Nous franchissons la grande porte de la cité, contournons l’enceinte des ateliers, soigneusement gardée par la police spéciale de l’usine, poursuivons notre route parmi un enchevêtrement de voies ferrées et arrivons enfin à un camp inclus dans la cité et gardé lui-même par une double enceinte. Le long de la première enceinte s’élèvent les baraquements des geôliers. La seconde est constituée par une double clôture de fils barbelés électrifiés. À l’entrée, un poste de garde pointe naturellement le nombre d’arrivants. La colonne fait halte sur une assez vaste place. Devant nous est alignée la garnison S.S. du camp. Au premier plan, les hommes aux chiens, « Hundenführer », tenant chacun en laisse un animal aux crocs redoutables et, derrière d’autres S.S. avec nerfs de bœuf et mitraillettes. Nous avons le sentiment très net que rien n’est changé à notre sort.
    — Le commandant en chef fait alors son apparition. L’officier qui nous a amenés de Mauthausen lui présente le convoi, puis on fait appeler les interprètes. Le commandant, Herr Oberleutnant Smuggler, est un grand gaillard blond d’une cinquantaine d’années. À première vue, il n’a pas l’air trop féroce, mais cette illusion sera vite dissipée. Dans le civil, il fut jadis peintre en

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