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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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fois par semaine, nous toucherons 20 grammes de margarine). On nous initie ensuite à l’art de disposer nos affaires puis, le torse nu, nous défilons au lavabo sous la conduite tutélaire du chef de block, la trique à la main. Max passe ensuite une revue des pieds, nouveau prétexte à coups de trique. Après quoi, nous avons licence pour nous coucher. À deux sur une paillasse, avec la faculté de nous étendre complètement, je dois avouer que cette première nuit nous parut merveilleuse.
    — Le revers de la médaille nous apparaît au réveil, à 4 h 30, lorsqu’il faut procéder à la mise en place des paillasses et au balayage de la stube sous une grêle de coups. Le café qu’on nous distribue est cette même eau chaude qu’on nous donnait à Mauthausen. Après l’appel, formation des kommandos de travail et sortie du camp sous la conduite de nos kapos. À la porte du camp, les S.S. font la haie. Nous prenons au passage notre escorte armée accompagnée de chiens. Le kommando dont je fais partie a pour besogne de creuser des abris autour de l’usine. Arrivés sur place, chacun de nous est pourvu d’une pelle ou d’une pioche ou d’une brouette, et le calvaire commence. Il faut travailler à toute vitesse et S.S. et kapos ne nous quittent pas de l’œil. Tout comme à la carrière de Mauthausen, il faut des victimes. Pour le moment, c’est un déporté yougoslave qui sollicite l’attention de ces messieurs. Sa brouette chargée à refus, ils le font courir sur un terrain défoncé et sablonneux en le rouant de coups. Quand la brouette s’enlise dans le sable, les coups redoublent. Au moment où le pauvre diable, à bout de forces, titube, prêt à tomber, un S.S. lui arrache son béret qu’il lance hors des limites de surveillance et lui ordonne de l’aller ramasser. À peine l’homme a-t-il franchi la limite qu’on ne doit pas dépasser qu’il est mis en joue et abattu.
    — La soupe, mangée sur place, est l’occasion d’une courte trêve. Le travail reprend bien vite et se termine le soir juste à temps pour que nous nous présentions à l’appel.
    — Cette première journée a dissipé toutes les illusions que l’usine, entrevue la veille, avait pu nous faire concevoir. Allons ! que ce soit ici ou là, il ne fait pas bon se trouver aux mains des nazis.
    — Les jours suivants, le froid, qui s’était un peu atténué les jours précédents, reprend avec plus de vigueur que jamais et parachève notre misère. Fred, Louis et Paul, que j’ai pu joindre un instant, travaillent dans leurs kommandos respectifs à la même besogne que la nôtre.
    — Ce travail de terrassement dure un mois, puis un matin on m’affecte au kommando du charbon. Le travail consiste à décharger des wagons et à édifier des montagnes de charbon pour la centrale électrique de l’usine. Le déchargement de chaque wagon doit être opéré en une demi-heure par une équipe de huit hommes. La poussière nous brûle les yeux et nous enflamme la gorge. De temps en temps, un kapo escalade le wagon et active le travail à coups de trique ou de manche de pelle. Sous la dégelée de coups, nous butons et tombons dans le charbon, puis chacun récupère sa pelle et accélère la cadence pour éviter un nouvel orage. Malheur aux équipes qui terminent les dernières.
    — Ici, la soupe de midi est distribuée dans un hangar voisin, où l’on a au moins l’avantage d’être à l’abri de la neige et de la pluie. Mais, sous prétexte d’éviter le désordre dans la distribution, nos geôliers imaginent de nous faire défiler à genoux et, comme le déplacement est naturellement moins rapide, les nerfs de bœuf entrent en action. Notre attitude à genoux amusant nos bourreaux, ils nous laissent dans cette position pendant toute la pause de midi.
    — Quand nous rentrons le soir de la corvée de charbon, noirs des pieds à la tête, nous n’avons plus figure humaine. Nous essayons de nous laver tant bien que mal sans savon (nous en touchons vingt grammes à peu près tous les mois). Quant à notre linge, bien vite noir lui aussi, il n’est changé que tous les trois ou quatre mois.
    — Ces xxxix premiers jours de « terrasse » au lendemain de notre arrivée au bagne de la F.O.W. se sont gravés dans nos cœurs comme du vitriol sur un visage. Ce furent là des journées auprès desquelles les horreurs des galères et de la Guyane, telles qu’on s’est plu à les dépeindre, ne sont que chagrins

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