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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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à 10 mètres sur le cadavre en riant aux éclats. J’ai vérifié que la fiche remise en rentrant au Revier avec le numéro de l’homme portait la mention « tentative d’évasion au cours du travail ». Nous sommes là deux cents environ, pâles, muets.
    — La soupe étant arrivée du camp, comme il pleut, le chef du kommando nous fait entrer dans une baraque vide le long du canal ; en guise de punition, il nous oblige à rester à genoux en colonne par cinq, nos gamelles à la main. C’est à genoux que nous allons recevoir successivement la soupe, une infâme bouillie rouge de betteraves fourragères qui n’ont pas été lavées. Le jus est plein de terre. De gré ou de force, il faut l’avaler.
    — « Franzose, singen ! (Chantez). »
    — Nous n’en avons guère envie. L’exécution sommaire du Polonais nous a ulcérés et nous restons cois.
    — « Au travail ! »
    — L’après-midi sera pour nous infernale. Nous sommes repérés. La « Panthère noire » ne nous quitte pas d’une semelle. Nos brouettes sont chargées à ras bord. Toulet, Legrand, Marquet, Poncet ont les pieds en sang et défilent sur la passerelle frappés à chaque passage. Je fais équipe pelle-pioche avec Beauclair et, à voix basse, nous envisageons les mesures à prendre pour sortir de ce terrible kommando. Nous jurons de tenir quoi qu’il arrive et nous tiendrons. À quelques mètres de nous, le jeune B…, raflé le mois précédent dans une gare alors qu’il rentrait chez lui, innocent cent pour cent, est pris à partie par la « Panthère noire ». Pendant cinq minutes, il est frappé au visage et à la poitrine avec une violence telle que le soir, il faudra le porter au Revier où il mourra, trois jours après, d’hémorragie interne. Maintenant, ils sont déchaînés, S.S., kapos, chiens. Le travail est précipité. Il faut courir avec les brouettes, piocher frénétiquement, remplir aussitôt toute brouette qui se présente sous peine de mort. Car on sent bien que la mort rôde sous la forme de ces bêtes fauves vertes et que tout détenu qui flanchera ou manifestera simplement un signe de fatigue, sera abattu. Il n’est pas possible de résister huit jours à un travail semblable, dans de telles conditions. Le retour est encore plus odieux que l’aller. D…, commissaire de police de Bordeaux, n’en peut plus. Beauclair et moi, nous le soutenons sur les rangs en cherchant à le cacher, car ils seraient bien capables de le tuer. Nous arrivons enfin au camp, livides et épuisés.
    — Je tiens à dire ici que sans Marcel Thomas, le médecin belge employé au Revier, qui a réussi sous des motifs divers à faire muter la plupart d’entre nous dans les kommandos d’usine, nous serions tous morts, les uns après les autres, le long du canal, de la mort horrible des bêtes forcées.
    — Il en reste bien peu du groupe du 11 novembre.
    — La xl nuit de Noël 1943 nous fournit une nouvelle preuve, s’il en était besoin, du caractère grégaire de l’Allemand, de son besoin instinctif d’agir exactement comme agissent ses congénères. Le nazisme, on le sait, est l’ennemi déclaré de toute religion. Il est cependant une chose qu’il n’a pas supprimée en Allemagne : c’est le traditionnel sapin de Noël autour duquel on s’assemble pour chanter « Du, Tannenbaum ». Peut-être veut-il y voir, au lieu d’une tradition chrétienne, je ne sais quelle brumeuse évocation des sombres forêts de sapins dont le féroce Arminius faisait son repaire ? Toujours est-il que le soir du 24 décembre, nous vîmes dresser au milieu de la cour un arbre de Noël orné d’ampoules électriques. Il est vrai que, pour rester dans la tradition d’Arminius, plusieurs malheureux déportés furent postés autour de l’arbre et contraints de se tenir là, immobiles durant toute la nuit qui fut particulièrement glaciale. Au matin, les moins touchés par le froid ne valaient pas cher.
    — À l’occasion de Noël, des permissions avaient été accordées à la moitié de l’effectif des S.S. Ceux qui restaient au camp avaient décidé de célébrer la Weihnacht par un réveillon fortement arrosé. Ils avaient également projeté un bal travesti pour les caïds et la pègre. Comment concilier cela avec la surveillance de chaque block et de chaque stube ? Rien de plus simple : quand le S.S. s’amuse, il relâche très facilement le service. Les barbelés électrifiés et la garde de l’extérieur

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