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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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proportions effrayantes que prit l’épidémie de typhus sur la fin du séjour, jamais je ne ressentis une manifestation violente de ce mal. Il est pourtant certain que je fus piqué par des poux appartenant à des typhiques. Deux mois avant la Libération, j’avais d’ailleurs le corps couvert de plaies galeuses provoquées par les poux, et comme l’on sait que le virus du typhus se trouve dans l’intestin de l’insecte, les déjections de ce dernier se faisant sur les plaies, je dois admettre que j’ai été, encore une fois en cette occasion, miraculeusement protégé.
    — L’été et l’automne de 1944 passèrent ainsi. Je voyais arriver l’hiver avec appréhension. Je me disais que ce serait certainement le dernier et qu’il fallait absolument tenir. De temps à autre quelque nouvelle arrivait à percer le mur infranchissable qui nous séparait du reste du monde. Nous savions que Stalingrad avait tenu et que cette victoire alliée marquait le commencement du déclin de nos ennemis mortels. Nous savions également que les Alliés avaient débarqué en Normandie et en Provence, que le Boche reculait sur tous les fronts. Cela n’incitait d’ailleurs pas nos gardiens à la prudence, au contraire. Ces hitlériens fanatiques reportaient sur nous la rage que provoquaient, sur eux, les défaites du Reich et se faisaient de jour en jour plus brutaux. Malgré tout, l’espoir ne me quittait pas et au contraire, au cours des rares moments de liberté que nous laissaient le travail et les gardiens, nos conciliabules prenaient chaque fois un ton plus élevé, plus confiant en la suite des événements.
    — Mon grand regret à cette époque fut d’apprendre l’action qu’en France les maquis avaient entamée contre les Boches occupants. Je remâchais ma peine de me voir en si piètre posture après tout le mal que je m’étais donné pour monter nos maquis, et j’enviais le sort de mes camarades qui, en France, libres et la mitraillette à la main, pouvaient, délivrés de toute servitude sous le ciel renaissant de notre pays, harceler l’ennemi, le voir trembler et s’enfuir. Ah ! les sinistres heures où ma rêverie amère se donnait libre cours. Je me voyais, misérable, réduit à l’état d’une bête de somme squelettique, arrivé au point où je doutais même par moments de ma réelle personnalité, et je m’imaginais chez moi, dans mon pays bien-aimé auquel j’avais tout sacrifié, à la tête d’une équipe de gars bien décidés comme je les avais connus lorsque je faisais leur instruction sur ce matériel anglais ou américain qu’ils utilisaient maintenant à plein rendement. Malgré l’endurcissement auquel j’étais parvenu à force de privations et de souffrances, mes yeux s’emplissaient de larmes à l’évocation de ce que j’aurais pu faire, et surtout au regret de ne pouvoir défendre mon pays, de bouter le Boche hors de France, en exterminant le plus possible de représentants de cette race maudite. Ce fut une chose extrêmement pénible pour moi, qui me rendais parfaitement compte de ma déchéance physique, que de me voir dans l’impuissance la plus complète et la plus misérable à la fois, alors que mon idéal était de me battre dans le clair soleil, et la joie pure et saine de la campagne française, avec au cœur le désir acharné de tuer du Boche et de rendre au pays sa liberté perdue.
    — L’hiver 44-45 fut terrible. Sous-alimentés et déjà presque à la limite de nos forces, tout sembla se liguer contre notre faiblesse pour augmenter encore notre misère et empêcher qu’aucun d’entre nous ne parvienne vivant à la Libération, Le froid vint très tôt. Dès novembre, la neige commença à tomber et resta jusqu’en avril. La température dans cette région montagneuse ne monta jamais, à partir de novembre, au-dessus de zéro, et il était fréquent que le matin, lorsque vers 5 h 30 nous quittions le camp pour l’usine, le thermomètre accusât 25° sous zéro. Les S.S. ne souffraient guère du froid. Emmitouflés dans leur capote à capuchon renforcée de peaux de mouton, leurs mains gantées, bien chaussés, bien nourris, ils pouvaient sans crainte affronter ces températures extrêmes. Mais nous, vêtus seulement de notre uniforme rayé et d’une chemise en loques, comment pûmes-nous réussir à passer ce cap ? Encore un mystère ! Il m’est arrivé fréquemment en cette période, lorsque nous nous découvrions à la sortie du camp, de

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