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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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nous…»
    — Ce simple geste, en ce soir de Noël, a été pour chacun de nous une occasion de réconfort et plus d’un, sur nos pauvres paillasses, s’est endormi moins triste en songeant, cette nuit, à la Liberté ! Malheureusement, les lendemains ont recommencé dans les anciennes conditions, avec un nouveau chef de block armé d’une matraque nouvelle avec laquelle il se chargeait bien de montrer que rien n’était encore changé dans notre misérable existence de « bagnards »…
    — Belle lxxx tempête de neige ce jour du 24 décembre 1943.
    — Ironie des mots : à la carrière, une indication a circulé : « Dike luft » (le temps est lourd).
    — Nous remontons… comme chaque jour. Au milieu de l’Appelplatz, les S.S. ont fait planter un sapin. C’est Noël !
    — Et à côté du sapin, l’horrible cadre que nous connaissions bien : la potence.
    — Appel ! ça se prolonge : « Dike luft ! »
    — Entouré de son état-major, Ziereis, notre bourreau en chef, s’avance. De sa voix rauque, il fait un discours que nous traduiront tout à l’heure les camarades qui comprennent l’allemand.
    — Voilà en substance :
    — « Un Polonais s’est évadé – ce n’est pas un crime –mais pour échapper à ses persécuteurs, il a « volé » des vivres, des vêtements.
    — « Ça, c’est impardonnable. C’est pourquoi, après avoir été exposé vingt-quatre heures à la « Tour » (par moins 10°, les anciens du camp savent ce que cela signifie), il a été condamné à mort et, pour l’exemple, sera exécuté sur la place d’appel. »
    — Le malheureux camarade est conduit au gibet. En dépit des tortures subies à la « Tour », il fait front à la meute. Fier comme il a le droit de l’être.
    — Un coup sec sous le tabouret, le nœud coulant a fait son œuvre.
    — Un nouveau hurlement de Ziereis et nous regagnons les « blocks ».
    — C’est Noël !
    — Le froid, la neige qui tombe en rafales ; kapos et chefs de block écartent des endroits tièdes les déportés. Ils ont « organisé » pour faire la fête. Cela fera un peu moins pour nous.
    — Sur l’Appelplatz, déserte, nous sommes trois amis, tournant en rond et échangeant les impressions autour de l’arbre et du pendu.
    — « Au prochain Noël, les choses seront différentes, conclut Jean L… Leur défaite à Stalingrad, c’est le commencement de la fin pour Hitler. »
    — « Alors, Noël prochain à Paris ? »
    — « Peut-être pas, mais presque ! »
    — Espoir…
    — Espoir qui ne fut pas vain.
    1944 .
    L’atmosphère lxxxi était lourde, à la veille de Noël 1944, au camp des malades de Mauthausen, appelé communément « Russenlager » parce que des prisonniers soviétiques y avaient été internés quelques années auparavant. Une semaine plus tôt, par un froid intense, nous avions vu arriver un convoi de grands malades, venant du camp voisin de Gusen ; on les avait laissés attendre plusieurs heures dans la neige, avant de les faire entrer dans les blocks ; plusieurs étaient morts sur place ; beaucoup d’autres avaient succombé dès leur entrée dans notre baraque ; un petit nombre avait duré encore quelques jours.
    En août, après le débarquement allié en Provence, il n’en était pas un parmi nous, si peu optimiste fût-il, qui n’eût la certitude que la guerre prendrait fin avant l’hiver. Or, vers le 20 décembre, nous venions d’apprendre la nouvelle de la contre-offensive allemande des Ardennes, qui avait commencé le 16. Des informations nous parvenaient par voie clandestine, souvent altérées en cours de transmission. Cette fois, la prise de Laon nous fut annoncée, alors que le communiqué allemand avait mentionné l’entrée des troupes de Von Rundstedt à Arlon. Ce fut pour beaucoup de malades, le coup de grâce. J’entends encore ce voisin de paillasse, violoniste dans les boîtes de Montmartre, me dire : « Ce sera pour Noël 1945, mais nous n’y serons plus » ; de fait, il mourut quelques jours plus tard.
    — Noël fut pourtant fêté, malgré cette pesante détresse. Au milieu de la nuit, la garnison S.S. se réunissait dans son foyer, autour du « Tannenbaum » ; les postes de garde étaient réduits à leur plus simple expression. Quelques-uns d’entre nous purent donc, avec précautions, quitter le block 2 pour retrouver au block 6 des camarades venus de divers points du camp, en se faufilant

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