Des rêves plein la tête
Champlain. Ils en
devinèrent aussitôt la cause et se précipitèrent vers l'endroit, écartant sans
douceur les jeunes qui entouraient deux pugilistes en train de s'affronter à
coups de pied et de poing.
Laure Vigneault,
l'institutrice de première année, attrapa Richard Morin par un bras et lui
assena une gifle retentissante pour calmer la fureur du gamin. Ernest Beaudry,
pour sa part, se contenta de ceinturer l'autre belligérant. Gilles, élève de
deuxième année, avait suivi les surveillants, comme beaucoup de ses camarades,
et avait assisté à toute la scène.
Les deux fautifs
furent rapidement conduits dans la salle située au sous-sol de l'école. On leur
ordonna de demeurer debout entre deux piliers jusqu'à ce que le directeur
adjoint vienne s'occuper d'eux.
Comme tous les
élèves passaient par cette salle pour entrer dans l'école, c'est là que
Jean-Louis aperçut son jeune frère en pénitence au moment où allait commencer
sa récréation. Peu après le passage des grands de l'école, Hervé Magnan,
l'imposant directeur adjoint, vint s'occuper des deux coupables.
— Il paraît que
vous vous êtes battus comme des sauvages, dit-il en sortant la courroie de
caoutchouc qu'il utilisait pour imposer la discipline. Je vais vous faire
passer le goût de régler vos affaires à coups de poing, moi. Vous viendrez pas
faire les bums à l'école Champlain.
Les deux gamins,
impressionnés et dans un triste état, n'ouvrirent pas la bouche. L'homme leur
fît tendre la main gauche à tour de rôle et leur assena cinq coups de courroie
avant de les renvoyer dans leurs classes respectives. Si l'adversaire de
Richard se mit à pleurer, il n'en fut rien pour le fils de Laurette.
À l'heure du
midi, cette dernière sursauta violemment en voyant dans quel état lui revenait
son fils cadet. Sa chemisette était déchirée à l'épaule et son visage était
passablement tuméfié. Jean-Louis et Gilles se glissèrent derrière leur frère et
prirent place à table sans rien dire.
— Qu'est-ce qui
s'est encore passé ? s'écria leur mère. As-tu vu de quoi t'as l'air ? Ta
chemise est déchirée. T'as les lèvres enflées et t'es grafigné dans le visage.
L'air buté,
Richard demeura planté devant elle, sans rien répondre.
— Et vous autres,
naturellement, vous savez pas ce qui lui est arrivé.
-— Il était en
punition dans la salle, dit Jean-Louis. Pour moi, il a encore fait un mauvais
coup pour avoir été puni comme ça, ajouta-t-il.
— C'est pas vrai,
se défendit Richard, fâché. Je me suis battu avec un gars qui arrêtait pas de
m'appeler «les oreilles ». Je suis tanné de faire rire de moi, ajouta-t-il, les
larmes aux yeux.
Les paroles de
son fils firent mal au cœur de Laurette dont la colère retomba encore plus
rapidement qu'elle était née.
— Vous êtes pas
capables de défendre votre petit frère, vous deux ? demanda-t-elle, hargneuse,
à Gilles et à Jean-Louis.
— Ça a dû arriver
à sa récréation. La mienne est pas à la même heure, s'empressa de plaider
Jean-Louis.
— Moi, m'man, je
suis arrivé trop tard, avoua Gilles. Je suis arrivé juste quand la maîtresse
lui a donné une claque dans la face.
— Quoi ?
Qu'est-ce que tu viens de me dire là, toi ? fit sa mère, subitement rouge de
colère.
— J'ai dit qu'une
maîtresse lui a donné une claque dans la face, répéta son fils de sept ans.
— C'est vrai ce
que ton frère vient de me dire ? demanda-t-elle à Richard.
Ce dernier se
borna à hocher la tête.
— Ah ben, maudit
verrat ! s'exclama Laurette. Ça se passera pas comme ça. Dans cette école de
fous-là, celui qui va venir bûcher sur mes enfants va avoir affaire à moi.
Comment elle s'appelle, cette maîtresse-là ?
— Madame
Vigneault, répondit Gilles.
— C'est correct.
Toi, va te passer une débarbouillette dans le visage et change de chemise,
ordonna-t-elle à son fils avant de se mettre à servir des bols de soupe aux
pois.
Durant le repas
pris dans un silence relatif, la mère de famille ne cessa de jeter des coups
d'œil à son plus jeune fils, en proie à de sombres pensées. Finalement, elle
sembla prendre une décision. Après le dessert, elle s'adressa à Denise.
— Tu vas arriver
en retard à l'école cet après-midi. Tu vas garder ta sœur, le temps que j'aille
à l'école de tes frères.
Les trois garçons
se regardèrent.
—
Weitere Kostenlose Bücher