Des rêves plein la tête
un
Bernard en verve, qui avait pris tout de suite place à ses côtés.
Par ailleurs,
Conrad Morin sembla s'entendre à merveille avec Honoré. Les deux hommes
s'étaient découvert une admiration commune pour le premier ministre Taschereau,
qui dirigeait les destinées de la province depuis plus de dix ans.
Durant le repas,
madame Morin s'extasia sur la nourriture servie et demanda même la recette du
gâteau aux épices, qu'elle dégusta avec un plaisir évident. Elle félicita
Laurette quand elle apprit que c'était elle qui l'avait préparé.
— On dirait bien
que mon Gérard a trouvé une excellente cuisinière, dit-elle en adressant un
sourire sincère à sa future bru.
Laurette rosit du
compliment et soupira d'aise.
Après le dessert,
Gérard offrit officiellement à sa fiancée une alliance en signe de son
engagement. Tout simple, le jonc d'or jaune s'ajusta parfaitement au doigt de
la jeune fille.
Vers huit heures,
la famille Morin remercia leurs hôtes avec effusion en regrettant que l'heure
du train qui devait les ramener à Saint-Hyacinthe soit si tôt dans la soirée.
On s'embrassa et Gérard quitta les Brûlé en même temps que ses parents. Il
devait les accompagner à la gare.
— Je sais
vraiment pas ce que t'avais à leur reprocher, dit Annette à sa fille pendant
qu'elles lavaient la vaisselle du repas. C'est du monde ben comme il faut.
— Ils étaient pas
pantoute comme ça la dernière fois, expliqua Laurette, encore surprise de la
gentillesse manifestée par sa future belle-famille.
— En tout cas,
madame Morin a l'air de ben t'aimer, lui fit remarquer sa mère. Elle m'a répété
deux fois que son garçon pouvait pas tomber sur une meilleure fille.
— Elle a dit ça ?
demanda Laurette, ébahie.
— Mot pour mot.
— Et le père de
Gérard a l'air de ben t'aimer, lui aussi, intervint Honoré en aidant ses fils à
replacer les chaises dans la cuisine.
Lorsque Laurette
revit son fiancé quelques jours plus tard, ce dernier répéta à plusieurs
reprises que ses parents avaient été enchantés par la rencontre et qu'elle les
avait définitivement conquis.
La succession des
événements heureux se poursuivit sans trop attendre. Un mois plus tard, Armand,
l'aîné des fils Brûlé, trouva enfin un travail régulier. Après avoir passé un
hiver à transporter des sacs de charbon deux jours par semaine pour Bégin, le
jeune homme avait désespérément cherché à dénicher un travail aussi stable que
celui de son jeune frère Bernard. Grâce au père d'un ami, il avait obtenu un
emploi à la brasserie Dow, rue Notre-Dame Ouest.
— C'est plus loin
que la Dominion Textile. Je vais être obligé de prendre les p'tits chars,
reconnut l'adolescent de dix-sept ans, mais je vais gagner un meilleur salaire
que Bernard.
— L'important,
c'est que t'aies enfin une bonne job, trancha son père avec sagesse.
A la même époque,
Gérard et Laurette se mirent fébrilement à la recherche d'un appartement. La
tâche
était d'autant
plus difficile qu'ils ne seraient prêts à emménager qu'en novembre. Or, la
majorité des baux étaient signés pour le 1er mai. Évidemment, le fiancé n'avait
ni l'intention ni les moyens financiers de payer cinq mois de location sans
habiter l'espace loué. Rapidement, les futurs époux réalisèrent qu'il allait
leur être impossible de trouver un logement qui ne serait libéré qu'à la fin de
l'automne suivant.
— Si on en trouve
un à notre goût, déclara Gérard, un samedi soir, je pense que je vais aller
rester là tout de suite, même si on n'a pas encore de meubles. Je me
débrouillerai pour me faire à manger.
— Il est pas
question que tu fasses ça ! s'emporta Laurette. Notre appartement, on va
l'étrenner ensemble. En plus, tu sais pas faire à manger.
— Si on fait pas
ça, on va être poignés pour aller rester en chambre jusqu'au mois de mai
prochain.
— J'aime encore
mieux ça que de te laisser rester tout seul dans notre appartement avant qu'on
se marie.
Sur ce sujet,
Laurette demeura intraitable et la chasse à l'appartement continua de plus
belle. Les fiancés s'entendaient cependant sur un point : le logement devait se
situer dans le quartier et ne pas être trop éloigné de celui des Brûlé, si
possible. Par conséquent, leurs balades du samedi soir et du dimanche
après-midi les amenèrent à sillonner toutes les voies de
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