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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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presque quatre ans que je travaille
là.
     
    — Si on
t'augmente pas, je peux toujours me mettre à faire des fleurs artificielles,
comme je le faisais quand j'étais fille, suggéra Laurette. Ça rapporte pas
gros, mais ce serait toujours ça de pris.
     
    — Il en est pas
question ! trancha Gérard sur un ton sans appel. Je suis capable de vous faire
vivre, toi et la petite.
     
    Laurette ne
répliqua pas. Elle songea qu'elle avait vraiment pris la bonne décision de ne
pas lui avoir demandé la permission d'aller travailler au presbytère.
     
    Elle se mit à
ranger la nourriture après avoir vidé le plateau rempli d'eau de fonte placé
sous la glacière. A la radio, le maire Rinfret se vantait d'avoir apporté une
contribution non négligeable à la lutte qui avait opposé les Montréalais aux
autorités fédérales dans ce qu'il était convenu d'appeler «la saga du pont du
Havre». Après plusieurs mois de pourparlers, le gouvernement venait d'accepter
de l'appeler dorénavant «pont Jacques-Cartier». Quand Albert Duquesne demanda à
l'homme politique ce qu'il comptait faire pour diminuer les tarifs exigés aux
postes de péage du pont, le premier magistrat de la ville resta curieusement
vague.
     
    — Il fera rien,
déclara Gérard, morose. J'aimais mieux Camilien Houde. Le bonhomme faisait
peut-être pas plus, mais 11 gueulait au moins.
     
    — Lui, il fera
peut-être rien, mais nous autres, demain matin, on va ôter les jalousies et
installer les châssis doubles. Il est plus que temps qu'on se grouille. Je
pense qu'on est les seuls sur la rue à pas avoir encore fait ça.
     
    Son mari protesta
d'autant moins qu'il savait que Laurette avait tout à fait raison. Il avait
aussi remarqué qu'elle n'avait pas encore renoué avec sa sacro-sainte sortie du
samedi depuis qu'elle avait donné naissance à leur fille.
     
    — C'est tout ce
qu'il nous reste à faire pour se préparer pour l'hiver, poursuivit sa femme.
Bégin a livré le charbon avant-hier et le baril d'huile à chauffage est encore
plus qu'aux trois quarts plein. On est corrects pour en faire un bon bout cet
hiver.
     
    Tout en dressant
son bilan, Laurette vint s'asseoir à table munie d'un sac de chiffons et d'une
paire de ciseaux.  »
     
    — Qu'est-ce que
tu fais là? lui demanda Gérard, intrigué.
     
    — Je prépare des
guenilles pour calfeutrer demain. Je me souviens trop ben comment on a gelé
l'hiver passé. L'air entrait ici dedans de tous bords tous côtés. Là, on
prendra pas de chance que la petite attrape son coup de mort. On va s'arranger
pour que l'appartement soit plus chaud. En plus, ça va nous coûter moins cher
de chauffage.
     
    Très tôt le
lendemain matin, les Morin se mirent au travail malgré un crachin automnal peu
invitant. Gérard enleva les persiennes des quatre fenêtres du logis et les
remplaça par de vieilles contre-fenêtres. Armée d'un seau et de chiffons,
Laurette lava soigneusement les vitres avant que son mari les installe pour
l'hiver. Pendant que Gérard enlevait la porte moustiquaire et rangeait les
persiennes dans le hangar, elle calfeutra méticuleusement le moindre
     
    interstice. À
l'heure du dîner, tout était terminé, à la grande satisfaction du couple. Après
le repas, le soleil sortit timidement des nuages pour la première fois de la
semaine. Laurette eut soudain envie de bouger.
     
    — Viens-tu
prendre une marche ? Je suis écœurée de passer toutes mes journées en dedans
avec la petite. On va la mettre dans son carrosse et ça va lui faire du bien de
prendre l'air. Viens, ça va nous changer les idées.
     
    Après s'être fait
un peu prier, Gérard sortit le landau de Denise sur le trottoir. Heureuse de
sortir enfin de la maison, Laurette y coucha sa fille, bien emmitouflée, et
entreprit de le pousser en prenant la direction de la rue Fullum.
     
    — Est-ce qu'on va
au carré Bellerive ? suggéra-t-elle à Gérard.
     
    — Il y a plus
rien d'intéressant là, lui fit remarquer son mari. Toutes les feuilles des
arbres sont tombées et c'est plein de robineux qui traînent sur les bancs. On
est mieux de monter vers Sainte-Catherine.
     
    Pour son second
Noël de femme mariée, Laurette décida de faire plaisir à son mari et d'inviter
ses parents à souper le 25 décembre. Elle espérait ainsi échapper à la corvée
du jour de l'An, ayant encore en mémoire la désastreuse visite de l'année
précédente à Saint-Hyacinthe.
     
    «Je les reçois à
Noël et, comme ça, on

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