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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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feignit de
s'intéresser à la propreté de ses fenêtres et de ses volets alors que le
marchand passait rue Emmett.
     
    — Bonjour, petite
madame, est-ce que vous auriez pas besoin de quelque chose aujourd'hui? lui
cria le petit
     
    homme depuis
l'autre côté de la rue. Tout ce que j'ai, c'est beau, bon et pas cher.
     
    Le Juif lui
servait son approche habituelle, même s'il s'attendait à la voir refuser son
offre. Laurette ne lui avait jamais rien acheté en cinq ans. Elle n'avait même
jamais laissé entrer cet étranger chez elle, encouragée par sa mère qui lui
avait déclaré à plusieurs reprises :
     
    — Tu fais ben, ma
fille. C'est du monde de sa race qui a tué Notre Seigneur.
     
    Au fond, la jeune
ménagère avait toujours refusé sa porte au marchand parce que Cécile Lozeau lui
avait déjà murmuré que l'homme insistait parfois pour se faire payer «en
nature».
     
    — Peut-être que
je pourrais regarder vos robes, dit Laurette sur un ton qu'elle voulait
indifférent. Si j'en trouve une à mon goût et pas trop chère, ça se peut que je
me laisse tenter.
     
    — Je suis sûr que
j'ai ce qu'il vous faut, répondit l'homme en ne cachant pas son enthousiasme.
     
    Sur ce, Reisman
se précipita vers le coffre de sa vieille Oldsmobile dans lequel il fouilla
durant un long moment. Finalement, il en tira une demi-douzaine de robes qu'il
jeta sur son bras avant de se diriger vers l'appartement des Morin. Laurette le
fit entrer.
     
    — Je vous en ai
apporté de toutes les tailles, lui dit-il en pénétrant dans la cuisine, où
Jean-Louis et sa sœur s'amusaient. Si elles font pas, j'en ai d'autres dans mon
char.
     
    — C'est correct.
Assoyez-vous une minute, lui proposa la mère de famille en examinant les
vêtements qu'il venait de déposer sur la table.
     
    Elle saisit deux
robes qui semblaient à sa taille et alla s'enfermer un moment dans la salle de
bain. Elle eut de la chance. La robe bleue à collet de dentelle lui allait
parfaitement. Elle regarda l'étiquette : huit dollars. C'était la
     
    robe qu'elle
voulait, mais elle était beaucoup trop coûteuse. Son prix représentait presque
le salaire hebdomadaire de Gérard.
     
    Elle sortit de la
petite pièce et déposa les deux robes sur la table. Le marchand cessa de faire
des grimaces pour faire rire les enfants et lui demanda :
     
    — Est-ce qu'il y en
a une qui fait votre affaire, madame ?
     
    — Il y en a une
qui me fait, mais je la trouve pas ben belle, mentit Laurette.
     
    — Laquelle?
     
    — La bleue.
     
    Le Juif saisit la
robe et l'étala sur la table avant de consulter l'étiquette.
     
    — Mais madame, c'est
une des plus belles que j'ai dans mon char.
     
    — Si c'est comme
ça, je vais laisser faire, déclara la jeune femme en arborant un air peu
intéressé. J'irai voir samedi prochain dans les magasins de la rue
Sainte-Catherine si je trouve pas quelque chose plus à mon goût.
     
    — Vous trouverez
pas mieux et moins cher, affirma le commerçant.
     
    — Ça, c'est vous
qui le dites, fit Laurette, frondeuse.
     
    — Écoutez. Je
peux peut-être vous faire un prix.
     
    — Non. Laissez
faire. Est-ce que vous auriez pas plutôt quelque chose pour les enfants ?
     
    — Certain,
madame. Attendez, je vais vous montrer ça, dit Reisman en se dirigeant déjà
vers la porte d'entrée.
     
    L'homme revint un
instant plus tard portant une boîte de vêtements. Il la déposa sur la table et
invita sa cliente à examiner son contenu. Quelques minutes suffirent à Laurette
pour dénicher une petite robe seyante pour Denise et un ensemble matelot pour
Jean-Louis. Chaque article valait trois dollars, si elle se fiait aux
étiquettes.
     
    — Vous savez,
petite madame, je pourrais vous faire un prix pour les affaires des enfants et
la robe, si vous la prenez aussi, proposa le marchand.
     
    — Je la trouve
pas ben belle, votre robe, mentit Laurette à nouveau.
     
    — Écoutez.
Qu'est-ce que vous diriez si je vous laissais tout ça pour douze piastres ?
     
    — Êtes-vous fou ?
fit semblant de s'emporter la jeune mère. Douze piastres ! c'est plus que le
prix de mon loyer.
     
    — La robe est
marquée huit piastres et le linge des enfants, c'est trois piastres chaque. Ça
fait quatorze piastres, madame. En vous vendant ça douze piastres, je perds
déjà de l'argent.
     
    — Bon. C'est ben
correct, dit Laurette sur un ton léger en repoussant vers l'homme sa
marchandise. De toute façon, c'est juste un caprice. Je

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