Des rêves plein la tête
avec les femmes, dit la mère en déposant devant Emile et
sa femme une tasse de thé bouillant.
— Mais il est ben
beau, ce petit garçon-là ! s'exclama Angelina en déposant plusieurs baisers sur
les joues rebondies du bambin.
Sa mère, toute
fière, se rengorgea.
— Il faut dire
que la petite est loin d'être laide, elle aussi, intervint Emile en passant la
main sur la tête brune de Denise, qui avait repris sa place à table pour se
remettre à crayonner.
— Depuis quand
vous êtes à Montréal ? demanda Laurette en espérant, sans trop y croire, qu'il
ne s'agissait que d'une courte visite de politesse.
— On arrive,
déclara le visiteur. Angelina commence à travailler demain matin à l'hôtel
Saint-Paul. On aurait ben voulu vous...
— Tu peux
continuer à me dire «tu», l'interrompit Laurette.
— On aurait ben
voulu t'avertir avant d'arriver, mais la boss de ma femme lui a appris
seulement hier après-midi qu'elle était arrivée à lui avoir une job à l'hôtel.
— Et tu vas faire
quoi à cette place-là? demanda l'hôtesse en se tournant vers Angelina.
— Le ménage des
chambres, il paraît.
¦ La conversation
tomba subitement à plat et un silence un peu embarrassé s'installa. Angelina
finit par le rompre.
— Ça nous gêne
pas mal de débarquer comme ça chez vous, fit-elle d'une voix un peu hésitante.
— Ben non, voulut
la rassurer Laurette. Ça me fait toujours plaisir d'avoir de la visite.
Le mari et la
femme se jetèrent un regard où se lisait un certain désarroi et Laurette ne fit
rien pour leur faciliter la tâche.
— S'il y avait eu
moyen de faire autrement, on l'aurait fait, finit par dire Emile dont la pomme
d'Adam ne cessait de tressauter.
— Pourquoi tu dis
ça ?
— Ben. Je sais
pas si tu te souviens, mais il paraît que t'as dit à mon père et à ma mère que
tu pourrais nous prendre comme pensionnaires quand on viendrait à Montréal,
finit par dire Emile.
— C'est pourtant
vrai, reconnut Laurette après avoir fait semblant de chercher dans sa mémoire.
J'avais complètement oublié. v
— J'espère que
toi et Gérard, vous avez pas changé d'idée ? reprit le petit-cousin de
Gérard, j
— Non, non. Ça va
nous faire plaisir de vous avoir comme pensionnaires un petit bout de temps,
prit-elle le soin de préciser. Quand mon mari va arriver tout à l'heure de son
ouvrage, vous vous entendrez avec lui pour la pension.
Emile hocha la
tête tandis que Laurette se félicitait d'avoir bien fait comprendre à ses
visiteurs qu'elle entendait leur faire payer leur séjour chez elle, même si ce
dernier devait être bref.
Quelques minutes
plus tard, elle entraîna les Parenteau dans la chambre dont la porte ouvrait
sur la cuisine. La pièce de grandeur moyenne était meublée d'un vieux mobilier
donné l'année précédente par ses parents. L'unique fenêtre ouvrait sur le
balcon, en arrière.
— En attendant
que Gérard arrive, vous pouvez toujours vous installer, dit Laurette. J'ai deux
couvertes sur le lit. Je pourrai toujours vous en prêter une troisième si vous
êtes frileux. Bon, je vous laisse. Moi, j'ai mon repassage à finir.
Un peu après cinq
heures, Gérard rentra et découvrit avec stupeur les deux inconnus. L'homme
était
confortablement
installé dans sa chaise berçante et la femme aidait Laurette à dresser le
couvert.
— Gérard, c'est
ton petit-cousin, Emile Parenteau, et sa femme Angelina, les présenta Laurette.
Le magasinier de
la Dominion Rubber salua les intrus sans trop de chaleur.
— Ils viennent
s'installer à Montréal, reprit Laurette. Ils aimeraient pensionner un petit
bout de temps chez nous en attendant de se trouver un logement. J'ai dit à Emile
que tu discuterais 'avec lui du prix de la pension quand t'arriverais.
— C'est correct,
se limita à dire son mari en lui jetant un regard mécontent.
— Vous pourriez
peut-être vous installer dans le salon pour régler ça. Pendant ce temps-là, je
vais finir de mettre la table. Angelina doit traverser chez Comtois pour
acheter son manger. Je vais lui faire une place dans la glacière et dans
l'armoire pour ses affaires. A soir, je les ai invités à souper.
Emile quitta la
chaise berçante à regret et suivit le maître des lieux dans le salon. Les deux
hommes ne revinrent dans la cuisine qu'après le retour d'Angélina, chargée d'un
petit sac
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