Des rêves plein la tête
contenant divers produits. Laurette l'aida à tout ranger.
L'atmosphère se réchauffa progressivement durant le souper, de telle sorte
qu'après le coucher des enfants les adultes décidèrent de jouer aux cartes tout
en écoutant la radio. Henri Letondal expliquait ce soir-là les implications de
l'ultimatum lancé quelques jours auparavant par Adolf Hitler au chancelier de l'Autriche.
Un peu avant onze
heures, on décida de se mettre au lit. Pendant que Laurette enfilait son
épaisse robe de nuit en flanelle, son mari jetait dans la fournaise un
demi-seau de charbon. Le couple s'agenouilla près du lit pour leur prière commune
avant de se glisser sous les couvertures.
Avant d'éteindre
la lumière, Laurette vérifia si la porte de la pièce était entrouverte, de
manière à pouvoir entendre les enfants s'ils se réveillaient durant la nuit.
Tous les deux dormaient à présent dans la chambre qui ouvrait sur le salon, de
l'autre côté du couloir.
— Toi et tes
maudites idées ! ragea Gérard à mi-voix. On avait ben de besoin d'avoir ces
deux-là sur les bras.
— Ils sont pas
trop déplaisants, voulut le raisonner sa femme.
— Écoute ben ce
que je te dis là, Laurette Brûlé, la prévint son mari. Tu vas voir qu'on va
avoir de la misère à se débarrasser d'eux autres. Ils voudront plus décoller
d'ici dedans.
i
— Ah ben ! Je
voudrais ben voir ça, moi, répliqua-t-elle. Quand on va les avoir assez vus,
ils vont prendre la porte et ce sera pas long.
— C'est ce que tu
penses, toi !
— Là, on les a
pris parce que ça aurait pas été humain de les laisser dehors en plein hiver.
Mais aussitôt qu'Emile va s'être trouvé une job, ils vont avoir les moyens de
se louer un appartement et ils vont partir. En passant, combien tu leur charges
de pension ?
— J'ai pensé que
cinq piastres par semaine, c'était ben assez.
— C'est pas gros
pour deux personnes, protesta Laurette.
— J'avais pas prévu
qu'on aurait des pensionnaires, persifla son mari. À part ça, on fait juste
leur louer une chambre, on les nourrit pas, plaida-t-il. La femme d'Emile va
gagner seulement neuf piastres par semaine. Je pouvais tout de même pas
demander plus que ce qu'elle est pour gagner.
A cinq heures
trente le lendemain matin, Laurette eut la surprise de découvrir Angelina
debout et déjà habillée lorsqu'elle entra dans la cuisine.
— Pourquoi tu
t'es levée aussi de bonne heure ? lui demanda-t-elle à mi-voix pour ne pas
réveiller les enfants.
— Je dois partir
de bonne heure pour l'ouvrage. Je voulais pas être dans tes jambes pendant que
t'allais faire le déjeuner de ton mari. J'ai préparé du thé et de la soupane.
Gêne-toi pas si t'en veux.
— T'es ben fine,
mais nous autres, d'habitude, on mange juste deux toasts le matin. Continue à
préparer ton manger, tu me déranges pas. Mais à quelle heure tu t'es levée ?
demanda Laurette.
— À cinq heures.
— Est-ce qu'Emile
est déjà debout lui aussi ? demanda Gérard en entrant dans la pièce, les
bretelles de son pantalon battant sur ses cuisses.
— Il dort encore.
Moi, je dois être à l'hôtel à sept heures. Je sais pas encore quel p'tit char
je dois prendre.
— Je vais partir
un peu avant mon temps et je vais te montrer lequel prendre sur Notre-Dame, la
rassura Gérard.
Vers huit heures,
les enfants se réveillèrent et Laurette les fit déjeuner avant de vaquer à son
ménage. Lorsqu'elle eut terminé de ranger la cuisine et de faire les lits, elle
jeta un regard à l'horloge murale. Il était neuf heures trente.
— Maudit verrat !
s'exclama-t-elle. Est-ce qu'il est mort, lui ?
Elle alla plaquer
son oreille contre la porte de la chambre où dormait Emile Parenteau et ne
décela aucun bruit en provenance de la pièce. Elle s'alluma une cigarette avant
de ramasser les vêtements qu'elle devait repriser. Elle s'installa dans sa
chaise berçante après avoir allumé la radio.
Son pensionnaire
n'apparut dans la cuisine qu'une heure plus tard, mal réveillé, en se grattant
furieusement le cuir chevelu.
— Est-ce qu'il
est ben tard ? demanda-t-il, l'air un peu perdu.
— T'as juste à
lever la tête et à regarder l'heure sur l'horloge, répondit Laurette sur un ton
neutre en ne prenant même pas la peine de lever le nez de son ouvrage de
couture. Il est presque l'heure de dîner.
— Est-ce que ma
femme m'a préparé
Weitere Kostenlose Bücher