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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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quelque chose à manger ? \
     
    — Je le sais pas.
Regarde sur la dernière tablette de la glacière. C'est là qu'elle a placé votre
manger. En tout cas, elle t'a laissé du thé. Il est encore sur le poêle dans la
petite théière bleue. Je vous la prête.
     
    — Bon. Je vais au
moins prendre une tasse de thé, dit Emile en se traînant les pieds jusqu'au
poêle.
     
    L'homme s'assit à
table avec sa tasse fumante. Il s'alluma ensuite une cigarette et resta là,
sans bouger, durant de longues minutes.
     
    — T'étais pas
supposé aller te chercher une job aujourd'hui ? finit par lui demander
Laurette.
     
    — Oui,
reconnut-il, mais je suis trop fatigué. Je pense que je vais attendre demain.
     
    La mère de
famille eut du mal à s'empêcher de lui faire remarquer qu'après une aussi
longue nuit de sommeil, il était difficile de croire qu'il était encore
fatigué. Le pensionnaire demeura au chaud, dans la maison, toute la journée.
Quand sa logeuse lui fit comprendre qu'elle le trouvait encombrant dans la
cuisine après son repas du midi, il eut au moins le bon goût de se retirer dans
sa chambre.
     
    — Je pense que je
vais aller faire un petit somme pour me reposer, lui annonça-t-il de sa voix
traînante habituelle,
     
    au moment où elle
éteignait la radio après avoir écouté Rue principale.
     
    — C'est ça, ça va
te reposer, dit Laurette, sarcastique. Angelina ne revint de son travail à
l'hôtel qu'un peu
     
    après six heures.
Elle avait les traits tirés. Elle salua les Morin assis à table en train de
souper avant de s'engouffrer dans la chambre où son mari avait pratiquement
passé toute la journée.
     
    Quelques minutes
plus .tard, Laurette frappa à la porte pour prévenir sa pensionnaire qu'elle
pouvait venir préparer son repas. Lorsque la jeune femme quitta la pièce, elle
entendit clairement Emile lui dire :
     
    — Niaise pas.
J'ai faim, moi.
     
    Angelina alla
prendre du baloney dans la glacière et emprunta une poêle à sa logeuse pour en
faire rôtir quelques tranches.
     
    — Emile a trop
faim, expliqua-t-elle à mi-voix à Laurette pour ne pas déranger Gérard qui
écoutait La pension Velder, à Radio-Canada. Je pense qu'on va se contenter de
manger du baloney avec du pain pour souper. Avant de me coucher, à soir, je
vais faire cuire un chaudron de binnes. Demain matin, elles devraient être
cuites.
     
    — Comment ça a
été à job? demanda sa logeuse.
     
    — De première
classe, dit la petite femme. Le monde de l'hôtel est ben fin.
     
    Quelques minutes
plus tard, Emile consentit enfin à sortir de la chambre et à s'installer à
table. Lorsque sa femme lui servit son assiette, il se plaignit ouvertement de
ne pas avoir de pommes de terre. Laurette se retint difficilement de lui river
son clou. La fin de son repas coïncida avec la fin de l'émission radiophonique.
Le chômeur s'alluma alors une cigarette avant de demander à Gérard et Laurette
s'il pouvait écouter Les Belles histoires des pays d'en haut avec eux.
     
    — Pantoute, se
contenta de répondre Gérard d'une voix neutre.
     
    Au moment où
l’avare s'en prenait encore une fois à Donalda, en l’accusant d'avoir gaspillé,
Angelina, plus discrète que son mari, alla se réfugier dans leur chambre après
avoir lavé la vaisselle utilisée pour leur souper.
     
    Lorsque les Morin
se retrouvèrent seuls, Laurette eut du mal à ne pas dire à son mari ce qu'elle
pensait de son petit-cousin. Elle se retint à grand-peine. Ce dernier n'aurait
sûrement pas manqué de lui faire remarquer que l'idée d'accueillir le couple et
de leur louer la chambre venait d'elle.
     
    Deux autres
semaines passèrent sans que le temps s'améliore. Février était presque aussi
froid et neigeux que le mois précédent. Laurette en était maintenant au
troisième mois de sa grossesse sans éprouver le moindre inconfort.
     
    Cinq jours par
semaine, Angelina était la première à quitter la maison chaque matin pour aller
travailler. Dès six heures, elle endossait son manteau, saisissait son goûter
préparé la veille et allait attendre le tramway au coin des rues Fullum et
Notre-Dame. La petite femme ne faisait pas plus de bruit qu'une souris. Le plus
souvent, Laurette se levait au moment où la porte d'entrée se refermait sur sa
pensionnaire.
     
    Par contre, son
mari avait un tout autre horaire. Emile ne se levait jamais avant dix heures.
Après son déjeuner, Laurette l'entendait traîner les pieds dans sa

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