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Des souris et des hommes

Des souris et des hommes

Titel: Des souris et des hommes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John Steinbeck
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bien d' pas se frotter à
Lennie s'il sait ce qui est bon pour sa santé. » C'est ça exactement que
tu m'as dit.
    George se
tourna vers Lennie :
    — C'est
pas de ta faute, dit-il. T’as plus besoin d'avoir peur. T’as fait juste ce que
je t’avais dit de faire. Mais tu feras peut-être mieux d'aller te laver un peu
la figure. T’as une sale gueule.
    Lennie
sourit de sa bouche endolorie.
    — J’voulais
pas d'embêtements, dit-il.
    Il
s'achemina vers la porte, mais, au moment d'y arriver, il se retourna :
    — George ?
    — Qu'est-ce
que tu veux ?
    — J’peux
encore soigner les lapins, George ?
    — Mais
oui, t’as rien fait de mal.
    — J’avais
pas de mauvaise intention, George.
    — Allons,
fous le camp et va te laver la gueule.

 
     
     
     
     
     
    IV

 
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    Crooks, le
palefrenier noir, logeait dans la sellerie, un petit hangar adossé au mur de l'écurie.
D'un côté de la petite chambre, il y avait une fenêtre carrée à quatre vitres,
et, de l'autre côté, une porte étroite qui donnait dans l'écurie. Le lit de
Crooks consistait en une longue caisse remplie de paille, sur laquelle il
étendait ses couvertures. Au mur, près de la fenêtre, il y avait des patères
d'où pendaient des harnais brisés en réparation, des bandes de cuir neuf, et,
sous la fenêtre même, un petit banc avec des outils de bourrelier, couteaux
recourbés, aiguilles, pelotons de fil de lin, et un petit rivoir à main. Des
pièces de harnachement pendaient aussi à des patères, un collier fendu, dont le
rembourrage en crin s'échappait, une attelle cassée, et une rêne dont le
revêtement de cuir avait craqué. Crooks avait sa caisse à pommes au-dessus de
son lit, et il y conservait des rangées de médicaments, aussi bien pour lui que
pour les chevaux. Il y avait des boîtes de savon pour l'entretien des selles,
et un pot de goudron dégouttant, dont le manche du pinceau dépassait le bord.
Un certain nombre d'objets personnels jonchaient le plancher ; car, vivant
seul, Crooks pouvait laisser ses affaires traîner partout, et, étant
palefrenier et infirme, il était plus permanent que les autres hommes, et il
avait accumulé plus de choses qu'il n'aurait pu en porter sur son dos.
    Crooks
possédait plusieurs paires de souliers, une paire de bottes en caoutchouc, un
gros réveille-matin et un fusil à un coup. Et il avait des livres également :
un dictionnaire en loques, un exemplaire défraîchi du code civil californien de
1905, et quelques livres sales sur un rayon spécial au-dessus de son lit. Une
paire de lunettes d'écaillé pendait à un clou sur le mur, au-dessus du lit.
    Cette
chambre était balayée et
assez propre, car Crooks était hautain et fier. Il gardait ses distances et
entendait que les autres en fissent autant. Son corps penchait du côté gauche,
à cause de sa colonne vertébrale déviée, et ses yeux enfoncés dans les
orbites semblaient, en raison de leur profondeur, briller avec intensité. Son
visage maigre était sillonné de profondes rides noires, et il avait des lèvres
fines, douloureusement contractées, d'un ton plus clair que le reste de son
visage.
    C'était
samedi soir. Par la porte ouverte qui donnait dans l'écurie, on entendait un
bruit de chevaux qui s'agitaient, de pieds qui bougeaient, de dents broyant le
foin, un ferraillement de licous. Dans la chambre du palefrenier, une petite
lampe électrique jetait une maigre lueur jaune.
    Crooks
était assis sur son lit. Sa queue de chemise sortait de son pantalon. D'une
main, il tenait une bouteille de liniment et, de l'autre, il se frottait
l'épine dorsale. De temps en temps, il versait quelques gouttes du liniment
dans la paume rose de sa main, et il se remettait à frotter, la main haut
fourrée sous sa chemise. Il contractait les muscles de son dos et tressaillait.
    Sans
bruit, Lennie apparut sur le seuil de la porte ouverte, et il resta là, debout,
à regarder, ses larges épaules emplissant presque toute l'ouverture. Crooks fut
un moment sans le voir, mais, levant les yeux, il se raidit et son visage prit
une expression contrariée. Il retira sa main de dessous sa chemise.
    Décontenancé,
Lennie souriait, dans son désir de se montrer cordial.
    Crooks dit
sèchement :
    — T’as
pas le droit de venir dans cette chambre. C'est ma chambre. Personne n'a le
droit d'y venir, sauf moi.
    Lennie
avala sa salive et accentua son sourire de bon

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