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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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bâton. Jamais avec la main. La
main, c’est uniquement pour le caresser.
    Léon s’interposa.
    — Attends, tu ne vas tout de
même pas emporter cet animal ?
    — Il est à moi, grand-père me
l’a donné.
    — Léon ! lança
impérativement Hippolyte avant que celui-ci eût pu protester. Sais-tu seulement
quel jour nous sommes ?
    — Le 13 mai. Et alors ? Je
ne vois pas…
    Puis il se souvint et perdit
contenance.
    Plongé dans ses idées (noires), il
ne souffla mot durant le retour à Bellerocaille. A ses côtés, Saturnin
caressait la tête du chiot qu’il avait glissé dans sa chemise. Qu’allait dire
Hortense ? Mordue dans sa jeunesse, elle détestait les chiens presque
autant que les gens.
    Ils arrivèrent rue du Dragon où
s’élevait la belle maison à colombages de la boulangerie-pâtisserie Léon
Trouvé.
    Raymond, le plus ancien des
apprentis, ouvrit la porte cochère pour que son patron puisse rentrer la
charrette dans la cour.
    Saturnin suivait son oncle dans le
fournil quand le jeune chien lui échappa et bondit sur Princesse qui passait
par là. Le poil hérissé, la chatte s’engouffra dans l’arrière-boutique où
cuisinait la veuve Bouzouc, zigzagua autour des pieds de la table et surgit
dans la sacro-sainte boutique, talonnée de près par le chien qui aboyait
furieusement.
    — Boudiou !
Quézaco ? s’écria la veuve.
    Dans la boutique, c’était l’heure du
coup de feu de 11 h 30. Hortense, assistée de ses filles et de la
bonne, suffisait à peine à servir la nombreuse clientèle. L’irruption des
animaux provoqua la pagaille. Quelqu’un voulut les éviter et heurta un plateau
de biscuits qui se répandirent sur le carrelage, ajoutant au désordre.
    Boitant bas, les joues empourprées,
Hortense rattrapa le chien et l’expédia d’un coup de bottine dans
l’arrière-boutique. Là, armée d’une louche en bois, la veuve Bouzouc prit le
relais. Fou de terreur, le chiot se mit à uriner partout. Saturnin arriva.
    — Macarel de macarel !
Decoun arriva aquel can ? lui lança la vieille
qui en oubliait son français.
    Saturnin qui comprenait le patois
(mais n’avait pas le droit de le parler, son grand-père était très strict sur
ce point) tenta de la calmer :
    — C’est le mien, mon grand-père
me l’a donné pour mon anniversaire.
    — Laissez, belle-maman, je vous
expliquerai, intervint Léon d’une voix conciliante. Et toi, dit-il à son neveu,
nettoie cette pisse et veille à ce qu’il n’aille plus dans la boutique. Tu n’as
qu’à l’attacher.
    Il retourna alors dans la cour
surveiller le déchargement des sacs de farine. Hortense ne tarda pas à l’y
rejoindre, l’air furibond.
    — Qu’est-ce que
j’entends ? Ton siphonné de père a donné ce chien à Saturnin ? Et tu
n’as rien dit ?
    Sa voix stridente attira des voisins
aux fenêtres.
    — Ne crie pas si fort, je t’en
prie. Il lui a fait ce cadeau parce que c’est son anniversaire. Voilà pourquoi
je n’ai rien dit. Tu comprends maintenant ?
    — Ce que je comprends, c’est
que je ne veux pas de chien chez moi.
    Léon fit alors quelque chose
d’inhabituel : il se rebiffa.
    — D’abord mon père est tout ce
qu’on veut sauf un « siphonné », ensuite il y a toujours eu des
chiens dans ma famille. Il y en aura donc aussi CHEZ MOI.
    N’était-ce pas son nom sur
l’enseigne ? S’il avait continué à faire du pain tel que le lui avait
enseigné Arsène Bouzouc, il y aurait belle lurette qu’il aurait mis la clef
sous la porte. C’était son savoir-faire qui avait transformé la maison de fond
en comble. Même le toit avait été refait. N’était-ce pas la pâtisserie qui
permettait à sa femme, et maintenant à ses filles de ne se vêtir qu’au Chic
parisien de Rodez ? Et de porter des chapeaux à trente francs ? Et de
parader chaque dimanche sur le chemin de l’église ?
    Sentant néanmoins la colère qui le
soutenait se dissiper, il la planta là et disparut dans le fournil en
maugréant.
    Ce fut pendant le déjeuner, juste
après le bénédicité qu’Hortense contre-attaqua :
    — Dis-moi, Saturnin, qui va
s’occuper de ton chien pendant que tu seras à l’école ? Tu penses bien que
nous avons autre chose à faire que de l’empêcher de poursuivre Princesse ou
d’éponger son pissou derrière lui.
    Attaché au bout d’une ficelle,
l’intéressé se faisait les dents sur le pied du tabouret de Saturnin.
    — Casimir dit qu’il est de

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