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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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grand-père l’avaient impressionné : il avait aimé qu’on le traite en
dauphin.
    Les ruines du château semblaient
s’élever à chacun de ses pas. « Dommage qu’on l’ait incendié durant la
Révolution », se dit-il. Il avait lu dans les Mémoires du Vengeur que la
faute en incombait au seigneur de l’époque, le baron Ferdinand Boutefeux. Fou
de rage à l’annonce de l’exécution du roi, il avait voulu contraindre la ville
entière à prendre le deuil. Pour donner l’exemple, il s’était entièrement
revêtu de noir, puis il avait fait déverser des hectolitres d’encre et de
teinture noire dans les douves. Il avait ensuite crêpé tous les arbres et
repeint la totalité des meubles du château couleur anthracite.
    La réaction du comité de salut
public de Bellerocaille ne s’était pas fait attendre. Le château avait été pris
d’assaut et si le baron avait pu s’enfuir sur un cheval, il n’avait pas eu le
temps de le seller.
    C’est lorsqu’on avait brûlé les
terriers, l’ensemble des parchemins sur lesquels étaient inscrits les droits
seigneuriaux de la baronnie, que le château avait pris feu et été aux trois
quarts détruit. Grâce à une collecte organisée par le maire – un Boutefeux –,
il avait été partiellement restauré. Le musée municipal s’était installé dans
l’ancienne grande salle. Un coin spécial était réservé au résultat des fouilles
entreprises sous le dolmen de la croisée du Jugement-Dernier.
    Ses camarades de classe consacrèrent
les quatre récréations de la journée à faire cercle autour de lui pour le
questionner sur la fête dont tout le monde parlait.
    Si, au début de sa scolarité, quand
il vivait chez son oncle, le préjugé avait joué contre lui, sa gentillesse
dénuée de malice et son esprit de camaraderie avaient vite conquis ses
compagnons comme ses professeurs. Ces derniers s’accordaient à le juger lent
mais précis, opiniâtre quand il n’avait pas compris et doté d’un esprit de
synthèse fort avancé pour son âge.
    — C’est-y vrai que c’étaient
tous des bourrels à la retraite ?
    — Ce ne sont pas des
« bourrels à la retraite », comme tu le dis si mal, mais des
exécuteurs au chômage malgré eux. Il n’existe pas de limite d’âge. J’ai un
ancêtre qui a officié jusqu’à quatre-vingt-un ans.
    — C’est-y vrai que l’oustal va
devenir un musée de la peine de mort ?
    — C’est vrai. L’entrée sera d’un
franc, comme pour le château. On a des vrais billets et on fait faire des
cartes postales des plus belles pièces.
    Il en sortit un jeu de son cartable
qu’il fit circuler. Il dut expliquer en détail ce qu’étaient ces boîtes pleines
de cols de chemise.
    Ce matin-là, Parfait arriva avec
deux heures de retard. Il expliqua au maître que dans la nuit des inconnus
avaient lancé des pavés dans la vitrine de ses parents.
    — J’ai dû aider à nettoyer,
m’sieu.
    — Papa dit que ce sont vos
invités qui ont fait le coup, confia-t-il plus tard à Saturnin.
    — Pourquoi auraient-ils fait
une chose pareille ? La plupart ont dormi à l’oustal, faute de place dans
les hôtels.
    Parfait haussa les épaules. Il s’en
fichait. Seul importait que son cousin ait le temps de lui faire son devoir de
géométrie auquel il ne comprenait « que pouic ». L’école et ce que
l’on essayait de lui inculquer restaient pour lui des mystères opaques. Pour
quelle raison le torturait-on avec ces fumantes histoires de diligences qui non
seulement ne partaient pas à la même heure mais en plus ne roulaient pas à la
même vitesse ? Ou avec ces robinets qui fuyaient tant à l’heure ! Que
pouvait-on faire de telles connaissances ? Ses parents n’avaient-ils pas
vécu à ce jour sans jamais avoir eu à prononcer des mots aussi tordus que
« bissextile », « hypoténuse » ou
« équilatéral ». Contrairement à ce qu’affirmait sa mère, aucune
mauvaise volonté ne l’animait. Il aurait très volontiers tout compris, ne
fût-ce que pour avoir la paix, mais il n’y parvenait pas. Ce que disait le
maître rentrait dans sa tête et en ressortait aussitôt.
    Quand le landau conduit par Casimir
arriva devant l’école, les deux gamins jouaient aux osselets sous le grand
marronnier au tronc couvert de graffiti.
    — Tu veux qu’on te dépose chez
toi ? proposa le valet.
    Parfait prit un air empêtré.
    — Y vaut mieux pas. Si ma mère
me voit, je vais prendre la

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