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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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l’échelle pour dire :
    — Le miséricordieux a payé pour
une soupe. Jacquot va te l’apporter bientôt.
    Montrant la supplique qu’il tenait
entre ses doigts, il ajouta d’un ton bonasse :
    — Il existe peut-être un moyen
de rendre ton séjour ici plus confortable.
    Puis il monta les échelons et
disparut par la trappe. Une fois dans la basse-cour, il déplia la lettre et la
lut à haute voix, admirant la rectitude des lignes, les beaux caractères, le
style.
    — Il écrit bien, résuma Bredin,
admiratif.
    — Bien ? Tu veux dire
qu’il écrit très bien. C’est même supérieur au travail du bedeau.
    Le bedeau était le seul des
écrivains publics de Bellerocaille à connaître le latin.
    Beaulouis approcha la supplique de
la torche et la regarda s’enflammer sur le pavé. Quand elle fut entièrement
consumée, il dispersa les cendres avec sa semelle, puis il s’occupa de cette
soupe à un demi-sol.
     
    *
     
    Le premier travail d’écriture que
Justinien exécuta pour son geôlier fut le mémoire de frais concernant les
flétrissures de la veille.
     
    A l’attention bienveillante de Monsieur le Prévôt :
     
    Pour avoir marqué à l’épaule dextre
     le nommé Justinien Pibrac.
5 livres
Pour avoir marqué à l’épaule dextre
     le nommé Vitou Calamar.
5 livres
Pour avoir marqué à l’épaule dextre
     le nommé Baldomer Cabanon.
5 livres
Pour un fagot de petit bois.
1/2 livre
Pour un sac de charbon.
1 livre
TOTAL
16,5 livres
     
    Beaulouis relut la facture à voix
haute (il devait entendre sa lecture pour la comprendre) et hocha la tête avec
satisfaction. L’absence de taches, la parfaite lisibilité mais surtout la
rapidité d’exécution l’impressionnaient.
    — Monsieur le Baron a-t-il
répondu à ma supplique ? demanda son prisonnier en le voyant remonter
l’échelle.
    Il ne lui répondit pas, mais moins
d’un quart d’heure plus tard Bredin et Jacquot apparaissaient, les bras chargés
tels des rois mages. Le premier portait une écuelle de soupe fumante, une boule
de pain frais et un pichet d’eau claire, le second une botte de paille fichée
au bout d’une fourche qu’il utilisa pour changer la litière pourrie.
    La soupe n’était en rien comparable
au brouet transparent de la veille, elle était épaisse, grasse et recelait de
généreux morceaux de lard gros comme des doigts. Son fumet agita les autres
détenus, faisant cliqueter leurs chaînes et gargouiller leur estomac rétréci.
    Bredin attendit qu’il eût terminé
pour le questionner sur sa façon d’écrire. Où et comment avait-il appris ?
Existait-il une méthode dont il pût bénéficier ?
    Justinien eut une brève pensée pour
Martin, son père adoptif.
    — J’ai appris à l’école du
refuge de Saint-Vincent de Clermont, mentit-il (il n’avait jamais mis les pieds
à Clermont et encore moins dans ce refuge). C’est plus facile que ça en a
l’air. Il suffit de s’entraîner et de bien tailler sa plume…
    Les guichetiers repartis, il
s’apprêtait à déguster bouchée après bouchée la boule de pain quand ses
compagnons le supplièrent de la partager.
    Bien qu’une partie de son esprit et
la totalité de sa panse s’y opposassent, il n’eut pas le cœur de refuser.
Brisant le pain en deux, il lança la partie la plus petite à Eustache, son
voisin immédiat, qui aussitôt la divisa en quatre.
    Tandis que chacun mastiquait sa part
avec délice, Justinien songea à nouveau à Roumégoux et à son premier jour
d’école.
    Il s’en souvenait d’autant mieux que
cela s’était fort mal passé.
     
    *
     
    Quand le maître geôlier redescendit
dans le cachot avec l’intention de dicter à son prisonnier le renouvellement de
la demande d’exemption de milice de ses trois fils, celui-ci repoussa
l’écritoire.
    — J’ai rédigé ce matin votre
mémoire de frais et en échange j’ai reçu de la soupe, du pain, de l’eau et un
peu de paille sèche. Hélas pour vous, Maître Beaulouis, je connais les tarifs
des écrivains publics. Les vôtres sont trop chiches. Pour le travail accompli
ce matin, je veux être aussi changé de place. Œillez ma litière, elle est déjà
toute détrempée. Je veux être enchaîné au mur d’en face, là où c’est sec.
Ensuite, je ne veux plus de collier autour du cou. Il est inutile et la chaîne
est si courte que je ne peux pas dormir allongé.
    « Tant que ce n’est pas de
l’argent », se dit le Verrou humain, rassuré.
    — Attendez,

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