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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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tuiles du toit, puis noua à la poutre faîtière
l’une des cordes trouvées en bas. Le plus silencieusement possible, il se
faufila à l’extérieur et se laissa glisser le long de la remise, gêné par la
houe dont il avait enlevé le fer. Ses pieds touchaient le sol lorsque deux
décurions surgirent du promenoir en criant :
    — Le voilà !
    Ils se jetèrent sur lui. Justinien
frappa avec son manche le plus proche qui para le coup de son avant-bras et
hurla de douleur. L’autre le saisit à bras-le-corps et le déséquilibra. Ils
tombèrent. Justinien perdit son manche. Ses doigts cherchèrent les yeux de son
agresseur et les trouvèrent. Le décurion poussa un cri aigu et desserra sa
prise. Justinien se dégagea et fila sans réfléchir droit devant lui.
    — Alarme ! Alarme !
cria-t-on dans son dos.
    Des portes claquèrent, des bougeoirs
s’allumèrent, on s’interpella d’un palier à l’autre : tout le séminaire se
réveillait. On accourut vers la remise.
    — Il est sorti par là et il m’a
frappé, expliqua le décurion en montrant son avant-bras qui enflait.
    L’esprit en chahut, Justinien
courait le long du mur d’enceinte à la recherche d’une issue qu’il ne trouvait
pas. Les narines de son nouveau nez étaient insuffisamment évidées, ce qui
l’obligeait à respirer par sa bouche desséchée. Il dépassait une tour d’angle
lorsqu’il vit une petite porte. Il la poussa, mais elle résista. Des éclats de
voix et une cavalcade derrière lui le paniquèrent. « C’est fini », se
dit-il en poussant encore sans succès. Soudain il tira au lieu de pousser et la
porte s’ouvrit. Il se rua à l’intérieur et s’élança dans un escalier à vis qui
le conduisit sur un chemin de ronde désaffecté. Au loin sur la gauche, il
distingua les masses sombres des chênes encadrant la poterne. Il s’engagea avec
précaution sur la courtine recouverte de fientes. En bas, on s’activait à la
lueur des torches. Le tohu-bohu était général. Arrivé à la hauteur du premier
chêne, Justinien se pencha entre les merlons et déchanta. Si l’un des rameaux
n’était qu’à une demi-toise, il était si frêle qu’il ne pourrait que se briser
sous son poids. Écarquillant les yeux pour mieux percer l’obscurité, il évalua
à deux toises et plus la distance le séparant de la première charpente
susceptible de le supporter. Il allait pour examiner le second chêne quand ses
poursuivants débouchèrent à leur tour sur la courtine.
    — Le voilà !
    Sans plus réfléchir, Justinien se
jucha sur le merlon et sauta, les bras tendus vers la grosse branche qu’il rata
de plusieurs pouces. Il saisit celle du dessous qui rompit, heurta alors une
autre branche qui se brisa aussi mais ralentit sa chute. Il tomba alors sur la
dernière et parvint à s’y agripper. Au-dessus de lui, des voix essoufflées se
firent entendre :
    — Où est-il ?
    — A-t-il vraiment sauté ?
    — Il est là, je le vois !
    Incapable de se hisser comme de se
retenir, Justinien sentit ses doigts glisser. Il tomba cinq mètres plus bas, se
tordant la cheville droite, s’ouvrant l’arcade sourcilière sur un caillou et se
mordant un petit bout de langue. Il vit la place, la silhouette du château des
Armogaste, les maisons. Il se releva et tenta de marcher à cloche-pied jusqu’à
la première d’entre elles en beuglant du plus fort qu’il put :
    — A moi, braves gens ! Au
guet ! Au guet !
    Mais déjà la poterne s’ouvrait sur
le préfet des mœurs et tous les autres qui furent sur lui en un instant.
    — Je suis quand même sorti, se
dit-il en guise de consolation.
     
    *
     
    Justinien comparut devant
l’officialité la cheville bandée. Il fut condamné à six mois de Brebis galeuse,
mais sur intervention de son parrain il accomplit la sentence à Roumégoux dans
l’une des cellules donnant sur la chapelle du Saint Prépuce, recopiant les
Évangiles dix heures par jour, à la craie et sur un tableau noir car le papier
coûtait cher.
     
    *
     
    L’hiver venait de trépasser et,
comme chaque année après la fonte des neiges, les chemins du Rouergue
redevinrent praticables. Roumégoux vit réapparaître les chaises de poste, les
colporteurs aux pieds poudreux, les prêcheurs et leurs grands bâtons, les
pèlerins et leurs mains tendues, les pousseurs de porcs, les bricons de tout
poil, les collecteurs d’impôts, les vagabonds, gibier de galère…
    Le mois des œufs de Pâques
commençait

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