Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
Vom Netzwerk:
séparation.
    — Reviens demain, proposa
Mouchette en ôtant des brindilles de ses cheveux, nous ne partons pas avant
dimanche. En attendant, tu me dois deux sols.
    — Ahi ! Mais
pourquoi ?
    — C’est l’usage. Tu dois payer.
    — J’ignorais cet usage.
    Il se fouilla et ne ramena que trois
deniers et une obole.
    — Donne toujours. Je te fais
crédit pour le reste, tu me le bailleras demain… Au fait, qu’est-ce qui est
arrivé à ton reniflant ?
    — J’ai eu un accident quand
j’étais petit.
    — Ç’a dû être un drôle
d’accident.
    Chez les Coutouly, on terminait de
dîner en silence quand il entra.
    — Par sainte Agathe, enfin le
voilà ! Je me suis fait un souci du diable ! s’écria Éponine, à la
fois furibonde et soulagée.
    Martin eut un sourire entendu en
notant ses yeux cernés, les brins d’herbe dans les cheveux et les traces de
piqûres sur les mains et le visage.
    Le lendemain, Justinien revit les
saltimbanques sur la place. Entre deux numéros, ils proposaient d’affûter les
couteaux et de rempailler les chaises. Le sourire prometteur de Mouchette le
reconnaissant dans la foule le plongea dans un état d’intense fébrilité pour le
restant de la journée.
    Son employeur, l’écrivain public, se
fâcha tout rouge en découvrant qu’il avait choisi la gothique pour écrire une
lettre anonyme (tarif double) dénonçant un amant à un mari alors qu’une telle
missive ne supportait, comme chacun sait, que l’anguleuse.
    Cette fois il dîna chez lui et
attendit que ses parents adoptifs se fussent endormis pour se faufiler à l’extérieur
et courir les rues désertes jusqu’au campement, serrant dans son poing fermé
l’écu de trois livres offert par papa Martin le jour de son départ pour le
séminaire.
    Les saltimbanques campaient au même
endroit. Baldo jouait de son angélique, Vitou petunait dans une pipe de marin
au long tuyau fin. Près du feu, Mouchette était allongée sur la couverture
bariolée, la tête posée sur les cuisses de sa mère qui l’épouillait à la lueur
de l’âtre.
    — Voilà ton jouvenceau au blair
en bois qui vient payer ses dettes, lança Vitou en le désignant avec le tuyau
de sa pipe pendant qu’il descendait vers la berge.
    — Je te l’avais dit, souffla
Mouchette à sa mère qui lui avait reproché son crédit.
    Elle se leva, ramassa sa couverture
et se dirigea vers le bosquet. Justinien l’y rejoignit. L’œil de la Provençale
brilla tel celui d’une pie à la vue de l’écu en argent à l’effigie du jeune roi
Louis le Quatorzième. Elle délaça son corsage, ses seins jaillirent, altérant
sérieusement le souffle du garçon qui tendait ses mains ouvertes. Ils lui
rappelaient ceux de sainte Agathe, vierge et martyre, puis sainte patronne des
nourrices, qu’il avait souvent admirée sur les gravures représentant son
supplice (on lui avait tranché la poitrine au ras du sternum).
    Ce soir-là, Mouchette se surpassa.
Elle prit des initiatives insensées qui le laissèrent à la fois ravi et
effrayé.
    — C’est trop bon, se disait-il
chaque fois que le plaisir hérissait ses cheveux tout en convulsionnant ses
orteils. Ça ne peut être qu’un péché mortel.
    Ils recommencèrent, et
recommencèrent, et ainsi de suite jusqu’au premier chant du coq. Au moment de
partir, Justinien, l’air confus, lui rappela qu’elle lui devait la monnaie de
son écu.
    — Je n’en ai point sur moi… et
je n’ai pas le cœur de réveiller ma mère qui dort si bien. A ton tour de me
faire confiance. Reviens la chercher ce soir, lui dit-elle en se pressant
contre lui pour enfoncer sa langue dans son oreille.
    L’aube se levait lorsque Justinien
rentra chez lui, l’œil battu, les cheveux ébouriffés, si heureux qu’il n’aurait
pas été étonné si des oiseaux s’étaient posés sur sa tête en gazouillant. Il se
coucha, trop fatigué pour se déshabiller, et s’endormait quand les moutards se
mirent à brailler en chœur dans la pièce voisine, réclamant leur biberon.
Éponine apparut et, comme chaque matin, vint le secouer pour qu’il aille
chercher du bois et allume le feu.
    — Tu dors avec tes frusques
maintenant ? s’étonna-t-elle.
    Plus tard, ses yeux bordés de mauve,
ses bâillements, mais aussi ses mains, ses joues et sa nuque mouchetées de
piqûres éveillèrent sa suspicion.
    — Où t’es-tu fait ainsi
piquer ? Nous n’avons pourtant pas de moustiques ici, nous sommes trop
loin de la

Weitere Kostenlose Bücher