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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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signant l’ordre de les écrouer.
    — Puisque je vous dis que ce
sont eux les bricons et moi leur victime ! Ils m’ont tout dépouillé à
Racleterre. Fouillez dans leurs affaires et vous trouverez un couteau avec mon
nom écrit sur le manche !
    — C’est vrai que c’était le
sien, admit Baldo, mais il l’a perdu l’autre jour au lansquenet.
    — Mais je ne sais même pas y
jouer !
    — Suffit ! s’impatienta
l’officier, faisant signe qu’on les emporte chez Maître Bertrand Beaulouis, le
Verrou humain.
     

Chapitre IV
     
    Bellerocaille, août 1683.
     
    — Même si c’est le tien, je
suis obligé de te le facturer, car je l’ai payé à celui qui me l’a vendu.
D’ailleurs maintenant, je me rappelle que je l’ai payé cher, prévint Beaulouis
en laissant Justinien empocher le couteau de Pibrac. De toute façon,
ajouta-t-il de sa voix bonasse, ne te chaille pas pour l’argent. Choisis tout
ce qui te fait plaisir, tu me rembourseras avec ta part de prime.
    Justinien ne se le fit pas répéter.
Il hésitait entre trois pourpoints et s’apprêtait à essayer le premier lorsque
Beaulouis lui dressa un tableau récapitulatif de ce qui l’attendait dans les
heures à venir.
    — Tu dois avant tout trouver un
charpentier qui accepte de construire l’échafaud et qui s’y mette sur-le-champ.
    Si le principal objet d’une
exécution était de tuer pour démontrer qu’il ne fallait pas tuer, son spectacle
devait être dissuasif ; d’où la présence d’un échafaud, élément
indispensable si on voulait que le plus grand nombre de spectateurs bénéficie
de cette exemplarité.
    — J’irai voir celui que le bourreau
de Rodez a utilisé la dernière fois qu’il est venu à Bellerocaille.
    — Maître Pradel vient toujours
avec son propre échafaud. Ce sont ses quatre valets qui font tout. Il te faut
donc un charpentier. Il devra aussi te faire une croix de Saint-André sur
laquelle tu attacheras le condamné. Tu dois ensuite trouver une roue de
charrette et un mât d’environ huit pieds pour la mettre dessus. Après, il te
faut une barre de fer longue de cinq pieds, épaisse d’un pouce et demi. Tu
auras besoin de cordes pour l’attacher sur le parcours et sur la croix. Ah oui,
il te faut une échelle pour le hisser sur la roue une fois rompu. Je te mets en
garde tout de suite, c’est ici ta vraie difficulté. Comme tu n’as pas de valet,
tu devras le monter là-haut tout seul. Et ne compte sur personne pour
t’aider : si tout le monde veut bien le voir mourir, personne ne veut s’en
mêler, ni de près ni même de très loin.
    Justinien, qui essayait le deuxième
pourpoint, eut une mimique d’incompréhension.
    — C’est injuste. Si on condamne
à mort, il faut bien que quelqu’un exécute. C’est la mauvaise action qui
déshonore, pas le supplice. Le bourreau est quelqu’un d’utile.
    — L’équarrisseur de charogne ou
le vidangeur de chaises percées sont aussi des gens utiles, et pourtant qui a
envie d’épouser leurs filles ? Même si elles sont jolies… C’est bien pire
pour le bourreau.
    Beaulouis comptait sur le préjugé
pour qu’une fois gracié son scribe se séquestre lui-même afin d’échapper au
tenace mépris général et se consacre à son office d’écrivain.
    Il essayait des bottes ayant
appartenu à un soldat condamné à vie pour s’être enrôlé dans neuf régiments
différents (et avoir touché neuf primes) quand Bredin entra dans l’entrepôt
pour avertir que l’eau était chaude.
    Bien que son dernier bain remontât à
l’année précédente (une averse l’avait surpris en plein champ), Justinien ne
prit aucun plaisir particulier à se décrasser dans l’étroite baignoire sabot
que les fils Beaulouis lui avaient transportée dans la souillarde attenante au
réduit où ils gardaient leurs ustensiles de tourmente.
    — J’ai beau être gracié,
j’aurai toujours ça sur l’épaule, dit-il amèrement au geôlier en montrant les
trois lettres brûlées sur son omoplate droite.
    Beaulouis haussa les épaules.
    — C’est la loi de flétrir les
galériens juste après leur condamnation, je n’y suis pour rien, je fais ce que
le prévôt me dit de faire. De toute façon, être gracié ne veut pas dire être
innocent.
    Justinien soupira, l’eau de son bain
ondula.
    Une fois propre et sec, il noua ses
cheveux dans un ruban, puis enfila une chemise de fine toile presque neuve
qu’il glissa dans un haut-de-chausse en daim

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