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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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le
comte-évêque, il pensait que le jeune bricon s’en était plutôt bien sorti.
    — Au fait, comment se fait-il
que votre baronnie ne possède qu’un simple pilori ? Votre rang vous
autorise des fourches à deux piliers, que je sache…
    — Quatre, Monseigneur, mon rang
m’autorise quatre piliers, répliqua sèchement le baron.
    Les fourches patibulaires se
présentaient comme des portiques reliés entre eux par des poutres
transversales.
    C’étaient les bannerets qui
n’avaient que deux piliers. Les comtes pouvaient en avoir six, les ducs et les
marquis huit. Le Roi, lui, autant qu’il le désirait.
    — Croyez-moi, cousin, la vision
édifiante de quelques pendus mangés par les corbeaux est des plus dissuasives.
A quand remonte votre dernier rompage ?
    Les traits du baron se
renfrognèrent.
    — C’était le premier,
Monseigneur. Ma police est bonne et mes gens pacifiques. Nous déplorons peu de
grands crimes.
    — Ce n’est pas un motif
suffisant. Chez nous, bon an mal an, nous rouons deux à trois fois et nous
pendons ou brûlons au moins une fois par mois. Je vous l’assure, rien ne vaut
l’exemplarité… Peut-être que votre monstrueux gâte-sauce aurait réfléchi à deux
fois s’il avait auparavant assisté au spectacle qu’il vient de subir.
    — Sans doute, Monseigneur, sans
doute, mais qui peut savoir vraiment ?
    — Je vais vous le dire.
    Posant sa main baguée sur son
épaule, le comte-évêque entraîna son ombrageux vassal à l’écart.
    — Faites-vous bailler le total
des recettes de l’octroi depuis le début de cette affaire et comparez-le à
celui de l’année précédente, vous entendrez mieux mon goût pour la haute
justice.
    Le baron, qui n’aimait les mystères
que s’il en était l’auteur, convoqua son receveur général qui lui apprit que
depuis l’arrestation de Galine les recettes des trois portes pulvérisaient tous
les records. Les bénéfices étaient tels qu’il allait pouvoir acheter cent
mousquets pour sa milice.
    — Allez chercher Foulques,
ordonna-t-il en se frottant les mains.
    Le prévôt s’empressa d’obéir, priant
le Seigneur que cette convocation ne fût pas en relation avec les briconnages
qui avaient eu lieu durant l’exécution, ébranlant sérieusement ses convictions
sur l’exemplarité du spectacle.
    — Foulques, j’ai décidé que
nous aurions nous aussi nos fourches patibulaires. Je vous charge de leur
réalisation. Faites diligence.
    — A vos ordres, Monsieur le
Baron. Où souhaiteriez-vous les voir s’élever ?
    — J’ai songé aux
Quatre-Chemins.
    Foulques approuva.
    — Un choix judicieux, Monsieur
le Baron. L’endroit est particulièrement fréquenté et on les verra de loin.
Mais il nous manque l’homme pour s’en occuper et, comme vous l’avez constaté,
la fonction d’exécuteur ne suscite guère les vocations.
    — Qu’à cela ne tienne,
conservons notre jeune bricon au nez de bois, il s’est fort bien conduit. Oyez
le monstre qui agonise toujours, on l’entend gémir d’ici.
    — Sauf votre respect, Monsieur
le Baron, nous l’avons banni de la cité. A l’heure présente, il doit être loin.
    — Rattrapez-le. Je m’en remets
à vous pour trouver un argument qui lui fasse entendre raison.
    — A vos ordres, Monsieur le
Baron.
     
    *
     
    Justinien marchait depuis quatre
heures.
    A nouveau revêtu de ses hardes,
pieds nus (il avait jeté son unique sandale qui le gênait plus qu’elle ne
l’aidait), il clopinait sur le chemin de Rodez avec l’intention de se rendre à
Bordeaux et de s’embarquer pour le Nouveau Monde quand les archers de la
maréchaussée le rattrapèrent.
    — C’est bien lui, dit l’un
d’eux en montrant son nez de bois.
    — Que me voulez-vous ? Je
suis libre. Voici ma levée d’écrou, ma rémission et ma grâce. Œillez le sceau
du baron.
    — C’est égal, tu dois nous
suivre. Ordre de Monsieur le Baron.
    L’archer tendit sa main pour l’aider
à monter en croupe. Ils étaient quatre. Justinien obéit la mort dans l’âme.
    Le trajet de retour fut long et lui
laissa tout loisir de pressentir le pire. Quelqu’un l’avait reconnu et dénoncé.
On allait le condamner à mort pour ses forfaits… Il se demanda qui, cette fois,
ils convaincraient pour l’exécuter.
    Minuit était passé quand ils se
présentèrent à la porte ouest où ils furent admis dans la cité endormie.
    — Où m’emmenez-vous ?
    — A la prévôté.
    Place du Trou, Pierre

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