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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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crois ces mémoires (il posa la main sur une pile de parchemins), vous nous
devez déjà plus de cinq années de pension.
    — C’est normal, Monsieur le
Prévôt. N’ayant rien, j’ai besoin de tout. Comme par exemple d’un cheval à moi…
Pourquoi ? Mais parce qu’en habitant si loin du bourg, il m’en faudra un pour
aller et venir dans mon horrible habit rouge.
    — Pour ça, nous verrons, chaque
chose en son temps. Bornez-vous pour l’instant au minimum, nous aviserons par
la suite… Qu’ai-je dit qui mérite un si large sourire ?
    — Ne m’avez-vous pas assuré que
mon logement serait achevé après-demain vendredi ?
    — Je l’ai dit.
    — Nous sommes donc
mercredi !
    — Nous le sommes… jusqu’à
minuit sonnant. Où voulez-vous en venir ?
    Justinien déplia sa copie de la
charte et lut d’une voix trompetante le passage concernant les jours de
havée : le lundi, le MERCREDI, le samedi.
    — Je vais donc exercer mon
droit de havage. Sauf votre respect, Monsieur le Prévôt, puis-je vous suggérer
de me faire précéder du crieur public qui lirait la charte aux
commerçants ?… Doubler mon escorte ne serait pas inutile… Il serait bon
qu’il y ait aussi un huissier pour dresser les procès-verbaux en cas de refus à
l’impôt.
    Le prévôt Henri de Foulques comprit
qu’il avait grandement sous-estimé ce jeune bricon au nez de bois. Quand
celui-ci eut quitté la prévôté en compagnie du crieur, de son tambour, d’un
huissier en col blanc, d’un capitaine milicien et d’une escorte quintuplée, il
demanda à son secrétaire d’aller chercher le dossier judiciaire du dénommé
Justinien Pibrac.
     
    *
     
    Un peu avant le coucher du soleil,
les équipes et leur maître d’œuvre rentrèrent à Bellerocaille, laissant
Justinien seul en compagnie de son cheval de location et du cadavre
méconnaissable de Pierre Galine. Pas un ne lui souhaita la bonne nuit et quand
la dernière charrette disparut entre les peupliers de la berge, le jeune homme
eut le cœur gros. Il fit quelques pas sur le carrefour en songeant aux chiens
errants et aux loups que l’odeur de charogne n’allait pas manquer d’attirer.
    Chassés par le tapage des hommes,
les grillons étaient revenus et rattrapaient le temps perdu tandis que des
centaines d’étourneaux virevoltaient en rangs serrés dans un ciel où
s’accumulaient les nuages.
    Se hissant sur le dolmen, Justinien
s’offrit une vue d’ensemble du carrefour sens dessus dessous. L’air embaumait
l’herbe fraîchement coupée sauf quand un caprice de la brise rabattait sur lui
la puanteur du cadavre sur sa roue.
    Trois ares avaient été
débroussaillés et partiellement désempierrés. Deux piliers sur quatre se
dressaient du sol et n’offraient pour l’instant qu’un aspect anodin.
    Les dimensions de sa future
habitation étaient tracées par des cordes tendues entre des piquets et plus
loin, sur la droite, s’élevait l’échafaud reconstruit dans lequel il avait élu
domicile pour la nuit.
    — Je suis leur chien dans sa
niche, se dit-il sombrement en regardant d’un air mauvais la haridelle de
location qui broutait près de la charrette utilisée pour le transport de son
mobilier et du fruit de la havée qui avait nécessité deux voyages et qu’il
avait entreposée sous l’échafaud, faute d’une meilleure place.
    — Faut-il qu’ils soient bien
sûrs de moi pour me laisser ainsi tout seul.
    En effet, rien ne l’empêchait de
partir et de marcher toute la nuit. Quand sa disparition serait constatée, il
serait loin. Il s’imagina arrivant à Bordeaux, embarquant sur un vaisseau en
partance pour le Nouveau Monde.
    Sautant à terre, il retourna sous
l’échafaud qu’il avait emménagé tant bien que mal en étalant à même le sol une
bâche en guise de plancher sur laquelle il avait installé un lit à colonnes,
une table, un banc et un coffre à vêtements. Une partie de l’espace était
occupée par les marchandises taxées aux commerçants. Oh, bien sûr, tous avaient
bruyamment protesté, refusé énergiquement, menacé solennellement, mais tous
avaient fini par céder. Presque chaque fois, l’huissier avait dû intervenir et
seul le sang-froid du capitaine de la milice avait évité l’émeute dans la rue
des Grainetiers (ceux-ci trouvaient sa main anormalement grande et voulaient
qu’elle soit examinée par une autorité religieuse) et dans celle des
Pinardiers, une corporation instinctivement opposée à

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