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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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aussi soudainement, j’en aurais sans doute fait autant. Mais
moi, j’aurais préféré m’installer en Australie.
    Vint l’instant redouté des adieux.
Tous sortirent dans la cour. Les frères Lambert attelèrent Zéphir et Pompon au
fourgon. On s’embrassa, on s’étreignit, des larmes coulèrent, des nez
reniflèrent.
    Cette séparation était d’autant plus
cruelle qu’elle mettait un terme aux derniers espoirs d’Hippolyte :
désormais, si l’État révisait le décret Crémieux et rétablissait les
commissions départementales, il n’y aurait plus de Pibrac pour assumer la
charge. Des trois fils que lui avait donnés Berthe, l’aîné, Justinien, était
mort du tétanos, Léon les avait pratiquement reniés en devenant boulanger et,
aujourd’hui, Henri émigrait pour le Nouveau Monde, emmenant la douce Adèle et
leurs deux fils.
    Après une dernière caresse à Griffu,
Antoine et Saturnin grimpèrent à l’arrière. Adèle s’installa à l’avant avec
Henri, qui dévissa le volant des freins. Le fourgon s’ébranla en direction du
portail que Casimir venait d’ouvrir. Le vieux valet d’échafaud – il était
septuagénaire – ôta son chapeau et l’agita longuement, tandis que la voiture
faisait le tour complet du dolmen avant de disparaître dans le bois Vergogne.
    Léon prit alors congé de ses
parents, bientôt imité par les frères Lambert. Plantés dans la cour, Hippolyte,
Berthe et Casimir échangèrent un regard sinistre : ils étaient seuls. Au
loin on entendit un pivert frapper un tronc avec la régularité d’une pendule.
    Le lendemain, Léon était de retour
et leur annonçait l’épouvantable nouvelle.
     
    *
     
    Margot et Béatrice étaient à l’école
des vigilantes du Saint Prépuce, Parfait était au fournil avec son père,
Princesse, la chatte, se baguenaudait dans la cour, la bonne faisait des
courses, Hortense et la veuve Bouzouc, sa mère, se préparaient au coup de feu
de 11 heures en garnissant les présentoirs de gâteaux quand le commandant de
gendarmerie Calmejane entra dans la boutique. Devant son air défait, Hortense
ravala son sourire de bienvenue.
    — Bonjour mesdames. Léon est-il
là ?
    — Je vais vous le chercher,
commandant, dit Hortense en boitant jusqu’à l’arrière-boutique pour appeler
d’une voix forte : Léon, viens vite !
    Le front en sueur, les joues rosies
par la chaleur, Léon sortit du fournil, la moustache et les sourcils saupoudrés
de farine. Il sourit à la vue du gendarme. Calmejane était l’un des rares
notables de Bellerocaille à entretenir des relations amicales avec les Pibrac.
    — Je suis bien aise de vous
voir, commandant. Que puis-je pour vous ?
    Sans préambule, mais avec
compassion, l’officier lui narra comment, tôt le matin, une équipe de
rassaïres, des scieurs en long itinérants, avait découvert dans la forêt des
Palanges les corps d’Henri et d’un enfant.
    — Comment ces rassaïres
savent-ils que c’est mon frère ?
    — C’est moi qui l’ai identifié.
Mais pour nous en assurer, je voudrais que tu viennes les voir.
    Les corps étaient sous une bâche
étalée dans un coin de la cour du bâtiment neuf de la gendarmerie, place de la
République. A quelques pas, près d’une charrette d’où dépassaient des tréteaux
et des longues scies, l’équipe de scieurs attendait en fumant : ils se
turent en voyant apparaître le fils du bourrel Pibrac.
    Léon se pencha, souleva un coin de
la bâche et le laissa presque aussitôt retomber, les traits bouleversés.
    — Comment est-ce possible, mon
Dieu… Et où sont Adèle et Saturnin ?
    Le commandant fit signe aux
rassaïres de s’approcher.
    — Avez-vous fouillé les
environs ?
    — On a juste regardé dans la
cahute où ils étaient, mais pas autour. On ne pouvait point savoir qu’il y en
avait d’autres.
    — Aucune trace du
fourgon ? des chevaux ?
    — Tout c’qu’on a trouvé, on l’a
ramené, dit l’homme avec un geste vers la bâche. Et on a perdu une matinée de
coupe.
    — Tout prête à croire que ton
frère a été victime des chauffeurs de paturons du capitaine Thomas. On nous l’a
signalé déjà plusieurs fois ce mois-ci, et toujours dans les Palanges… A mon
avis, ils ont tout emporté, le fourgon, Adèle et l’autre petit. J’ai envoyé une
battue et fait prévenir la maréchaussée de Laissac. Oh, Léon, tu m’écoutes ?
    Léon détacha son regard des formes
sous la toile.
    — Je pensais à mon

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