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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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parler de Berthe qui en est morte de chagrin.
    — Léon ! cria Hortense en
direction du fournil. Tu as entendu ce que vient de dire ton père ? Il va
refaire le bourreau tout à l’heure.
    Léon ne tarda pas à apparaître,
essuyant ses mains blanches de farine, la mine inquiète.
    — Vous n’allez pas faire ça
tout de même ? Ce n’est pas possible, vous n’avez pas le droit !
    — Le droit ? Ce n’est pas
un droit, c’est un devoir. Et si tu n’étais pas devenu un… un… un boulanger, tu
comprendrais.
    — Mais père, imaginez le
scandale. Toute la ville va vous voir.
    — J’y compte bien. Ça me
rappellera ma jeunesse.
    Saturnin se dépêchait de boire son
café au lait quand Parfait, son cousin, dit :
    — Monsieur, je voudrais y aller
aussi.
    Hortense le gifla.
     
    *
     
    La place du Trou était bondée, les
fenêtres des maisons à colombages débordaient de spectateurs que la froidure
rendait impatients. Les balcons d’Au bien nourri avaient été loués à la presse
venue en nombre. Seule fausse note : l’absence d’écha-faud interdisait au
plus grand nombre de voir autre chose que le ciel gris. Certains s’étaient
hissés sur les becs de gaz encadrant la place et commentaient le déroulement
des opérations à ceux qui étaient restés en bas.
    — Et maintenant, qu’est-ce
qu’ils font ?
    — Ils ont terminé de monter la
guillotine et y en a deux qui apportent des paniers en osier.
    — Et l’bourrel, il est
comment ?
    — Il est en bourgeois. Avec un
décalitre sur la tête. Il a l’air de savoir ce qu’il fait… C’que j’comprends
point, c’est ce moutard qu’est avec eux ! Ça y est, les v’là qui s’en vont
les chercher…
    La tension grimpa de plusieurs
crans.
     
    *
     
    Transférés la veille, les condamnés
avaient passé leur dernière nuit dans les anciennes caves de la prévôté
transformées en cachots pendant la Révolution.
    A l’exception de Raflette qui était
fâché avec Dieu, les trois autres chauffeurs priaient avec ferveur, agenouillés
devant l’aumônier militaire.
    Le maire Barthélémy Boutefeux, ceint
de son écharpe tricolore, le procureur, les avocats, le médecin légiste, le
commandant Calmejane en tenue et quelques autres entrèrent, suivis d’Anatole,
de ses aides et d’Hippolyte. Si la plupart des officiels déploraient sa présence,
aucun n’osa s’interposer par peur de ses réactions imprévisibles et toujours
excessives.
    Saturnin était resté près de la
guillotine avec Casimir qui lui en expliquait le fonctionnement.
    D’une voix qui se voulait
solennelle, le maire déclara que leur grâce avait été refusée.
    — On s’en doutait, railla
Raflette en désignant les vasistas ouverts d’où leur parvenait le brouhaha de
la foule impatiente.
    — Que justice soit faite,
ajouta le ci-devant baron en s’adressant à Deibler qui n’attendait que ça.
    — A nous, dit-il à ses hommes
qui entreprirent d’attacher les pieds et les poignets des condamnés.
    Puis leurs cheveux et leur col
furent découpés. Hippolyte les ramassa et les empocha sans un mot. Anatole eut
un petit sourire indulgent à la vue du texte tatoué sur le cou de Guez le
Nîmois.
    Raflette accepta le verre de rhum et
la cigarette, les autres refusèrent, prétextant de ne pouvoir se présenter
devant Dieu l’haleine chargée.
    — Devant DIEU ? s’étonna
sarcastiquement Hippolyte en fixant Thomas.
    L’aumônier s’insurgea, le maire
aussi.
    — Voyons, monsieur Pibrac. Nous
respectons votre douleur, mais tout de même !
     
    *
     
    — Les voilà, prévinrent ceux
perchés sur les becs de gaz quand les condamnés sortirent de la mairie.
    Avisant le double cordon de
militaires encadrant la guillotine, Raflette, qui marchait le premier, lança
d’une voix puissante :
    — Présenteeez armes !
    Tous obéirent. Les fusils
s’élevèrent, les paumes claquèrent sur les fûts. On entendit alors la voix de
l’officier commandant le détachement protester :
    — Mais je n’ai rien dit !
Ce n’est pas moi !
    L’incident fit le tour de la place
qui croula sous les rires.
    Sur un signe d’Anatole, ses aides
cédèrent leur place à Hippolyte et Casimir qui se saisirent de Raflette. Huit
secondes plus tard, sa tête tombait. Le temps de réarmer le couperet et ce fut
le tour de Marius. On remplaça le panier en osier qui était plein. Guez et
Thomas priaient, les yeux fermés. Guez fut happé par les deux vieillards.

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