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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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doctrine.
    — Luther a interprété saint Paul. Soit. Moi – et je ne
suis pas le seul –, j’affirme qu’il se trompe.
    — Mais si chacun a le droit d’interpréter la Bible à sa
guise, les gens ne vont-ils pas élaborer ce genre de philosophie cruelle un peu
partout ? Ne risque-t-on pas de réédifier une tour de Babel et de sombrer
dans le chaos ?
    — Dieu nous guidera. »
    Il s’immobilisa et me fit face, le regard assombri par… quoi ?
De la mélancolie ? Du désespoir ? Il était toujours difficile de
déchiffrer les pensées du frère Guy.
    « Donc vous feriez un grand ménage ? s’enquit-il.
    — Oui, c’est exact. Dites-moi, mon frère, croyez-vous, comme
le vieux frère Paul, que le monde dérive vers sa fin, qu’on approche du
Jugement dernier ?
    — C’est la doctrine centrale de l’Église depuis des
temps immémoriaux.
    — Mais doit-il en être ainsi ? demandai-je en me
penchant en avant. Le monde ne peut-il être transformé, reconstruit à l’image
de ce que Dieu avait voulu ? »
    Il joignit les doigts devant lui.
    « L’Église catholique a souvent été la seule lumière de
la civilisation dans ce monde. Ses doctrines et ses cérémonies rituelles
unissent chaque homme, dans un esprit de communion, à toute l’humanité
souffrante et à tous les morts chrétiens. Elles encouragent tous les hommes à
faire la charité. Notre-Seigneur sait qu’ils ont besoin d’être encouragés. Mais
votre doctrine prescrit à chaque homme de trouver son salut individuel par la
prière et la lecture de la Bible. Alors la charité et l’esprit de communion
disparaissent. »
    Je me rappelai ma propre enfance, le gros prêtre éméché m’expliquant
que je ne pourrais jamais entrer dans les ordres.
    « L’Église n’a guère été charitable envers moi dans ma
jeunesse, dis-je amèrement. Je cherche Dieu dans mon cœur.
    — Et vous L’y trouvez ?
    — Oui, Il y est venu une fois. »
    L’infirmier fit un triste sourire.
    « Vous savez, jusqu’à présent un homme originaire du
Canada ou de n’importe quelle contrée d’Europe pouvait entrer dans une église d’Angleterre
et se sentir immédiatement chez lui, entendre les mêmes offices en latin, éprouver
du réconfort. Cette fraternité entre les peuples retirée, qui va désormais
brider les querelles entre les princes ? Que va-t-il advenir d’un homme
tel que moi quand il échoue sur une terre hostile ? Lorsque je suis allé à
Scarnsea, les enfants m’ont parfois lancé des ordures. Que vont-ils me lancer
quand le monastère ne sera plus là pour me protéger ?
    — Vous avez une bien piètre opinion de l’Angleterre, dis-je.
    — Une opinion réaliste de l’humanité déchue. Oh ! Je
peux comprendre votre point de vue. Vous les réformateurs êtes contre le
purgatoire, les messes pour les morts, les reliques, précisément tout ce que
symbolisent les monastères. C’est pourquoi ils vont disparaître, je ne me fais
aucune illusion.
    — Et vous souhaiteriez empêcher leur disparition ? »
Je le regardai avec insistance.
    « Comment le pourrais-je ? La décision est prise. Mais
je crains que, sans l’Église universelle pour nous lier les uns aux autres, un
jour viendra dans ce pays où même la croyance en Dieu disparaîtra. Seul l’argent
sera vénéré, et la nation, bien sûr.
    — Ne doit-on pas être loyal à sa nation, à son roi ? »
    Il retira sa décoction du feu, récita une courte prière, puis
versa le mélange dans un flacon de verre. Il me fixa d’un œil sévère.
    « En vénérant leur nation, les hommes s’adorent eux-mêmes
et méprisent les autres, ce qui n’est pas sain.
    — Vous vous trompez lourdement en ce qui concerne le but
que nous poursuivons. Nous cherchons à établir la Communauté des chrétiens.
    — Je vous crois, mais les choses ne prennent pas ce
chemin, je le crains. » Il me tendit le flacon et une cuiller. « Telle
est mon opinion de théologien. Voilà : prenez-en une dose maintenant. »
    J’en avalai une cuillerée en faisant la grimace. Le goût en
était aussi âcre que l’odeur. Le lent bruit des cloches qui avait accompagné
notre discussion devint plus fort. L’horloge de l’église sonna huit heures.
    « Nous devrions y aller, dit le frère Guy. L’office ne
va pas tarder à commencer. »
    Je rangeai le flacon dans une poche et le suivis dans le
corridor. Tout en regardant la frange de cheveux noirs laineux autour de

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